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Invasion de l’Ukraine : quelle est la stratégie de Poutine ?

OPINION. Docteur en sciences politiques et professeur de civilisation russe, Jean-Robert Raviot met en parallèle l’action stratégique de Vladimir Poutine en Ukraine et la théorie du « réalisme offensif » développée par le professeur américain John Mearsheimer.

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La théorie du réalisme offensif de John Mearsheimer – développée dans l’ouvrage The Tragedy of Great Power Politics (2001) - peut servir à éclairer les motifs qui ont conduit le pouvoir russe à décider de cette opération militaire d'envergure, assez stupéfiante, contre l'Ukraine.

Selon la théorie du réalisme offensif, l'ordre international est fondamentalement anarchique et régi par les rapports de force (en opposition avec une vision normative libérale de l'ordre international "régulé"). Tous les États cherchent à maximiser leur puissance relative, puisque seuls les plus forts sont assurés de survivre. Ils ont donc un tropisme offensif, et non défensif (alors que selon la théorie du réalisme défensif de Kenneth Waltz, les États tendent plutôt à toujours vouloir d'abord conserver leurs acquis). Si on adopte cette grille de lecture, plusieurs facteurs sont déterminants dans la manifestation des offensives. En premier lieu, l'offensive doit être perçue comme rapportant plus qu'on anticipe qu'elle va coûter.

Autre facteur absolument crucial : la perception de l'intention de l'adversaire. Si on perçoit une intention offensive de l'adversaire, on s'efforce d'anticiper en avançant le premier. La Russie le dit depuis deux décennies : elle craint l'avancée des armées de l'OTAN et le déploiement de nouveaux missiles à ses frontières. Moscou a perçu, au cours des deux dernières années, une intention américaine de précipiter l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN. Pour Moscou, les États-Unis allaient opérer, et vite. Et ils s'y préparaient. Cette perception a été renforcée par l'aide militaire substantielle apportée par les États-Unis et la Grande-Bretagne à l'Ukraine, ainsi que par le soutien systématique de l'Occident aux mouvements d'opposition aux régimes en place dans des États alliés (Biélorussie, Arménie, plus récemment l'épisode du Kazakhstan). Il y aussi la volonté (à la fois stratégique et mercantile) américaine de voir l'Allemagne abandonner Nord Stream II. Et puis...

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