« À quoi sert l’histoire ? » : l’Afghanistan, le Moyen Âge et l’historien
CONTRIBUTION / OPINION. En qualifiant le régime taliban de « moyenâgeux », le monde médiatique dresse un parallèle injustifié entre les régimes islamistes contemporains et l’histoire politico-religieuse de l’Europe.
Le mardi 17 août 2021, l’historien Jean Garrigues était invité de Radio classique où il était interviewé par Augustin Lefebvre sur le sujet d’actualité le plus brûlant du moment à savoir la reprise du pouvoir en Afghanistan par les taliban.
Engagé sous la présidence de Donald Trump, le retrait des dernières forces américaines d’Afghanistan est rapidement mis en œuvre dès le début de la présidence de son successeur, Joe Biden. Officiellement annoncé en mai 2021, il est quasiment réalisé au début du mois de juillet. À cette date, la fermeture de la plus grande base aérienne américaine du pays (Bagram air base, Camp Vance) en avait été le symbole.
Plus que politique, cette défaite est surtout morale. Elle illustre une fois de plus l’incapacité des États-Unis à gagner une guerre en dépit de leur puissance militaire, technologique et économique. Elle montre aussi l’échec de la démocratie érigée en modèle universel sur un mode conquérant. Ajouté à l’échec irakien, c’est toute une philosophie politique qui bascule. Dès l’annonce du retrait américain, les taliban ont répondu par une offensive éclair qui, en quelques semaines, a pris le contrôle des provinces et des grandes villes du pays. Ces évènements sont d’autant plus frappants qu’ils se déroulaient à la veille même du vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 qui, rappelons-le, avaient été le déclencheur immédiat de l’opération Enduring Freedom.
« À quoi sert l’Histoire » ?
C’est donc dans le contexte d’une défaite particulièrement symbolique non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour l’Occident, comme le rappelle justement Jean Garrigues, que ce dernier est amené à répondre à la question du journaliste : « À quoi sert l’Histoire ? » Passées les généralités sur l’ambition d’une sécurité collective au lendemain de la Première Guerre mondiale et les limites de la « Destinée manifeste » des États-Unis, l’historien commence à s’égarer à...