Aux premiers temps de Jupiter
CONTRIBUTION / OPINION. Dans cette lettre d’un septuagénaire à un de ses enfants quadragénaires, notre lecteur appelle à la jeune génération à ne pas céder à la tentation de se désintéresser de la politique.
Mon fils,
Voilà bien trop longtemps que tu m’assènes, non sans l’assortir d’un crescendo de véhémence, que la politique ne t’intéresse pas, que tu ne votes pas, que tous les candidats de tous bords se disputent le label du plus « bête », une fois leurs programmes respectifs passés au crible de ton infaillible jugement, puis à l’aune de ton inexistante culture politique, coincée entre nul et néant. Pour autant, tes critiques à l’endroit de tous nos gouvernements successifs et du système en cours s’avèrent de longue date, aussi acerbes que récurrentes.
Il y a trop longtemps, aussi, que je te réponds que « si tu ne t’occupes pas de la politique, elle s’occupera de toi ». Alors aujourd’hui, j’outrepasse le temps d’attention que tu prêtes habituellement à mes paroles, à mes actes ou à mes écrits, pour t’inciter à lire cette lettre jusqu’à son terme. Ce que tu ne feras sans doute pas : dis, serait-ce par peur d’y trouver ce dont, justement, tu as peur ?
Sache que ces propos ne sont ni ceux d’un agresseur, non plus ceux d’un père contempteur, mais ceux du meilleur des amis, de ceux que jamais plus la vie ne placera sur ton chemin.
Du tréfonds de ton incommensurable insouciance, du bout de ton arbitraire volonté d’inconsidérément tourner dos et yeux à une crise sanitaire que tu dis « résorbée », de prêter flanc et foi aux rassuristes apparences d’un monde que tu veux remis d’aplomb, « renaissant », « recentré », en « ordre de marche » comme avant, comme Grosjean, tu n’as cessé d’accroître l’indéfectible cécité corticale qui caractérise ton autruchien abord du devenir de l’humanité.
Alors puissent les derniers mots d’un père sentant ses feux s’éteindre les uns après les autres enfin secouer la suffisante torpeur qui caractérise trop ceux de ta génération. Car ne t’en déplaise, je me déclare tout autant...