Libertésphilosophie politique

Dé-conte philosophique : Prudence ou le principe de précaution

CONTRIBUTION / OPINION. Le principe de précaution est dans notre quotidien partout et tout le temps. Tant et si bien qu’il guide le moindre de nos faits et gestes, domestiquant ainsi notre libre-arbitre.

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« Il y avait en Macronie, dans le cabinet de M. le docteur Polifaubi, une jeune fille à qui la nature avait donné les mœurs les plus pondérées. Sa physionomie annonçait sa prévoyance. Elle avait le jugement assez circonspect, avec l’esprit le plus vigilant ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on la nommait Prudence. Les anciens collaborateurs du cabinet soupçonnaient qu’elle était fille de la sœur de monsieur le docteur et d’un bon et honnête prolétaire du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu’il n’avait pu prouver que 1800 euros net mensuels, et que le reste de ses salaires avait été dilapidé par l’injure de la beuverie nationale.

Monsieur le docteur était un des plus puissants spécialistes en scénario du pire de la Macronie, car son cabinet avait une renommée et des adeptes. Sa salle d’attente était même équipée d’un robot conversationnel. Tous ses employés étaient ses cobayes dans le besoin ; ses amis étaient ses admirateurs ; la secrétaire était sa maîtresse. Ils l’appelaient tous messie, et ils tremblaient quand il faisait des prévisions catastrophistes.

Madame la femme du docteur, qui pesait environ deux millions d’euros, s’attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs du cabinet avec une vénalité qui la rendait encore plus jalousable. Son fils Bonaventure, âgé de dix-sept ans, était fort en balivernes, bodybuildé, instagramé. La fille du docteur, Constance, paraissait en tout pire que son père. Le prospectiviste Panrisq était le coach de la lignée, et la petite Prudence écoutait ses leçons avec toute la naïveté confondante de son âge et de son mauvais caractère.

Panrisq enseignait la précautiono-anxiétécolo-panicogologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point de cause sans effet, et que, dans ce pire des mondes possibles, le cabinet de monsieur le docteur était le plus sécurisant des...

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