Éducation nationale : quand l’enfant remplace l’élève
OPINION. La loi Jospin de 1989 entendait placer « l’élève au centre du système éducatif ». Dorénavant, il semble que l’enfant a remplacé l’élève, ce qui n’est pas sans poser problème.
J’ai eu, une fois, au début des années 2000, sur un forum d’enseignants, à croiser le fer des arguments avec une collègue, sur la question suivante : « Accueillons-nous des enfants ou des élèves ? » La distinction peut sembler oiseuse si l’on considère l’enfant ou l’élève qui passe le portail avec son cartable et son doudou, ou ses billes dedans, mais elle n’est pas anodine si on se place du côté de l’enseignant, qui le regarde entrer à l’école et l’accueille dans sa classe. Je ne pense pas que l’on ait les mêmes approches, la même attitude ou les mêmes paroles d’enseignant selon que l’on regarde sa classe comme un public d’élèves ou comme un groupe d’enfants.
Lors de cet échange, pour ma part, je disais que l’enseignement devait s’adresser explicitement à une dimension particulière de l’intelligence, un espace de manipulation d’outils de pensée tout à fois intime et partagé, et surtout délié des émotions « vulgaires ». Dès lors, il convenait pour moi d’être « monsieur », ou « maître », et non « Jean », et de m’appliquer avant tout à exprimer l’élève en chacun des enfants entrant dans la classe.
Ma collègue me rétorquait que l’enfant n’est pas dissociable, et qu’elle pensait illusoire un enseignement qui ne prendrait pas en compte ses joies, ses peines, ses craintes, ses rêves… sa réalité d’enfant. L’accueil bienveillant et respectueux de l’enfant dans sa dimension propre devait l’amener, en confiance, à s’impliquer dans les apprentissages. Il m’avait semblé qu’elle trouvait ma position arriérée et aride, comme je pensais la sienne généreusement naïve.
J’ai pu assister à une mise en situation cocasse de cette différence d’approche élève/enfant. Début des années 90, proche de mon bureau, une collègue entend entretenir, sur un mode militant, une relation différente avec sa classe : tables en ateliers, conseils de classe, relations censément sans uniforme… Dans des archives se...