Émeutes urbaines : pourquoi une telle fracture avec les banlieues ?
CONTRIBUTION / OPINION. L’intensité des émeutes urbaines ayant suivi la mort de Nahel a surpris nombre de commentateurs. Elle est la conséquence logique de mécanismes sociaux, psychologiques et identitaires multiples, estime notre lecteur.
Tout au long de la quinzaine d’années que j’ai passée dans ce qu’on appelait autrefois la banlieue et qu’on qualifie aujourd’hui de « territoires perdus de la République » — ou que d’autres appellent « quartiers populaires » alors qu’une partie du peuple est partie vivre ailleurs, chassée par les incivilités et les violences d’une minorité de délinquants et d’islamistes —, j’ai vu s’y dérouler ce que certains ont appelé les « années de deuil ».
Les professionnels de la relation d’aide, les travailleurs sociaux, les enseignants ont dû faire le deuil de leur espoir de contribuer à la promotion sociale des enfants des milieux populaires qui se sont communautarisés ; violentés à la fois par la crise sociale et par les agressions dont ils sont souvent les victimes expiatoires, ils ont renoncé, pour la plupart, à l’espérance qui était au cœur de leur mission et ont, de fait, abandonné ceux dont ils étaient les alliés naturels.
Les parents, eux, dépassés, absents ou complices, ont fait le deuil de leur projet de réussite scolaire et d’ascension sociale pour leurs enfants. Ceux-ci ont fait le deuil d’une intégration professionnelle ascendante, et désormais se victimisent en comptabilisant les discriminations raciales à l’emploi et aux portes des boîtes de nuit, les bavures policières — réelles ou fantasmées — et ressassent leurs rancœurs. Certains d’entre eux — une minorité encore — rêvent de devenir un jour des terroristes et en attendant, la plupart portent aux nues les héros de la geste palestinienne. Le trafic de drogue fait vivre des quartiers entiers sur un mode mafieux.
Les policiers, seuls à être présents la nuit, se sentent souvent impuissants à assurer l’ordre et la sécurité des citoyens, et baissent les bras ou réagissent eux-mêmes par une violence provisoirement contenue. Eux aussi comptabilisent leurs humiliations quotidiennes et leurs victimes.
Ainsi s’en est allée...