Pour plusieurs générations de Français, croyants ou non, l'abbé Pierre fut un modèle d'altruisme et de vertu sociale. Le parcours de celui qui était né Henri Grouès, à Lyon le 5 août1912, fut aussi très tumultueux et il n'est pas superflu ici, à l'heure où sa mémoire est remise en question, d'en rappeler les grandes étapes.

Ordonné prêtre en 1937 puis aumonier dans l'armée, il fera dès 1942 passer des enfants juifs en Suisse et crééra un réseau de résistance dans le Vercors avant de rejoindre le général De Gaulle à Alger et d'être décoré de la Croix de guerre à la Libération. L'après-guerre voit le développement de sa fibre humaniste, d'abord à travers la politique – proche du MRP de De Gaulle, il sera élu trois fois député entre 1945 et 1946 – puis dans la vie associative, avec le Mouvement Fédéraliste Mondial dont il sera vice-président.

En 1949, il fonde une autre association à laquelle son nom devrait rester à jamais lié : le mouvement Emmaüs. Son but : lutter contre la misère et l'exclusion, bien plus importantes qu'on ne le croit durant ces années de plein emploi et de reconstruction du pays. « Viens aider à aider. » Dit-il avec conviction aux désespérés. Et ça marche. Peu à peu les communautés Emmaüs se multiplient en France, financées (comme aujourd'hui) par la récupération et la vente d'objets en fin de vie. Quand l'abbé Pierre ne peut plus les soutenir avec son indemnité de député, il va chercher de l'argent au jeu.

Quitte ou double sur Radio-Luxembourg

C'est sur ses ondes qu'il lance, le 1er février 1954, un appel destiné lui aussi à entrer dans la mémoire collective : l'appel de l'abbé Pierre, pour aider les sans-abri contre les rigueurs de l'hiver. Cette « insurrection de la bonté » - comme titrent les journaux – fait...