Féminismenéoféminisme

Le féminicène, fruit de l’anthropocène : critique de l’ouvrage de Véra Nikolski.

CONTRIBUTION / CRITIQUE. L’ouvrage Féminicène (Fayard, 2023) de Véra Nikolski s’adresse aux femmes comme un lanceur d’alerte s’adresse à la société par quelque acte transgressif. Important en ce qu’il éclaire l’angle mort des études féministes, partial en ce qu’il minore délibérément certains arguments, faisant du droit une chambre d’écho servile.

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La transgression consiste à remettre en cause la primauté du rôle des luttes féministes dans l’évolution favorable de la condition féminine. Sans exclure les combats des femmes dont elle retrace de façon panoramique les thèmes et les héroïnes, l’autrice place l’anthropocène au premier rang des conditions déterminantes ayant permis l’émancipation des femmes. D’où sa critique envers le manque de considération des féministes contemporaines pour les conditions matérielles qui ont permis l’émancipation des femmes. « Dans le monde des féministes contemporaines, la biologie comme la nature n’existent pas », écrit-elle.

Véra Nikolski impute d’ailleurs l’oubli du « poids de la biologie comme l’importance du progrès technique » à ce « moment historique qui a arraché les êtres humains au déterminisme naturel au point de naturaliser la technologie ». Car une attention scrupuleuse portée aux avancées technico-scientifiques permet de rendre visible l’étroite dépendance de l’amélioration de la condition féminine à ce « progrès » technico-scientifique. Attention qui implique que l’on regarde la condamnation de l’anthropocène, facteur de destruction de l’environnement, comme la faille permettant un retour du refoulé, cette force physique redevenue l’aune à laquelle sont évaluées les personnes. Les butées du réel et de la nature « se remettraient à exister puissamment si les conditions matérielles qui nous en coupent étaient abolies, ou même ébranlées », ce qui confronterait les femmes au réel de leur moindre force physique, réel qui serait à la racine de leur asservissement.

En effet, pour l’autrice, cet avantage physique a fondé et légitimé la supériorité de l’homme sur la femme, dès lors que transformer le monde par le travail agricole apparaissait répondre à une urgence dont seuls les hommes semblaient avoir la clé. La valeur attribuée à la force physique relèverait donc d’une évidence. Mais cette force physique peut aussi être destructrice, abusive, semeuse de douleurs ravageuses (les nuits de noces dans le...

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