L’IA peut-elle vraiment faire de nous des artistes ?
CONTRIBUTION / OPINION. Une « intelligence artificielle » prétend transformer n’importe quel fredonnement en partition de violon par exemple. Mais ce genre de prouesse technique, est-ce vraiment de l’art ? L’IA menace-t-elle réellement les artistes ? Pas si sûr.
L’intelligence artificielle ne cessera de nous étonner, à moins qu’elle nous fascine par ses prouesses infinies, par ses qualités excessivement convenues, peu exaltantes, eu égard à l’animal-machine qu’elle tente d’inoculer en l’homme.
Une IA est désormais capable de transformer de simples fredonnements enregistrés en solo de violon. Pas certain dans ces conditions, à l’instar de Nietzsche, que le musicien soit le ventriloque de Dieu, pas sûr que le musicien-machine révèle le Verbe de Dieu, que Dieu, par son amour des hommes, rende un solo, l’autographe, sa signature vocale si désenchantée.
Austère et algorithmique, l’esthète ne peut y trouver qu’effondrement, récitation d’un poème appris par cœur d’un dévot du sévice public audiovisuel lisant un prompteur sans enthousiasme. N’oubliant pas qu’enthousiasme signifie entrer en Dieu, mais que le transhumanisme fou, savamment porté, lui intime probablement une hubris ou une déraison scientiste de la part de l’homme apprenti sorcier.
J’ai écouté la douce mélodie en question, mon grille-pain me chante des aubades plus réjouissantes. Je crains encore que la mièvrerie, la sensiblerie victimaire ontologique fût encore une fois le double gémellaire de l’insensibilité totale, la disparition programmée de la synesthésie du poète, la pasteurisation du monde arrivant à grands pas.
Les Grecs couplaient musique et poésie, lyre et verbe, la dichotomie arbitrairement instillée aujourd’hui, favorise à mon sens, l’idiome robot et la musique sans lyre. Il suffit de fredonner un air au micro de son smartphone et Tone Transfer le transforme en une magnifique pièce de violon. Mais depuis quand, quoique parfaitement exécutée, une symphonie artificielle promet un supplément d’âme ? Philippe Guillemant, physicien, déplore la naïveté laissant croire à une intelligence artificielle. Il s’agit d’un oxymore ingénu, une machine quoique performante, n’a pas de conscience et n’a par conséquent nulle captation du tragique et de la finitude. Une machine reste programmée, ne rêve...