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Prophète en son pays

CONTRIBUTION / CRITIQUE. Assurément l’un des meilleurs spécialistes du Moyen-Orient, le politologue et orientaliste Gilles Kepel livre un récit de sa carrière de chercheur universitaire français où s’entremêlent les différentes phases du djihadisme, la cécité des élites politiques et les luttes de pouvoir au sein du milieu universitaire.

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Auteur de plus d’une quinzaine d’ouvrages sur le monde arabo-musulman, Gilles Kepel est ce qu’on appelle un bon client. Habitué des plateaux de télévision, il y livre avec une certaine superbe des analyses fouillées et pertinentes sur la géopolitique du Moyen-Orient et, notamment, des diverses mouvances du djihadisme international, très loin de ce que Bourdieu nommait les fast thinkers.

Dans Prophète en son pays, il relate sous forme de récit sa carrière d’intellectuel amorcée en 1980, tandis que doctorant et âgé de 25 ans, il naviguait vers l’Égypte pour entreprendre une thèse sur les mouvements islamistes qui commençaient de se manifester à Alexandrie.

Fils de militant communiste et lui-même ancien trotskiste militant auprès du camarade Joseph Krasny, alias Edwy Plenel, Gilles Kepel avait pressenti qu’il se tramait des évènements pour le moins curieux. Une intuition qui avait pour origine des reportages du journaliste Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, parus dans Le Monde et traitant de la vogue islamiste représentée par l’apparition soudaine de barbes et de voiles sur les campus d’Alexandrie, pendant que le marxisme athée régnait dans les universités parisiennes.

Ce qui était alors considéré comme un « non-sujet » par la plupart des universitaires, le deviendra avec l’assassinat du président Sadate le 6 octobre 1981 perpétré par des membres de l’« organisation du Jihad ». Ceux-là même que Kepel était venu observer.

Filon intuitif qui le mènera à une prestigieuse carrière, avant qu’il ne se fasse indiquer la sortie de l’École normale supérieure, où il enseignait, par des autorités universitaires pressées d’y introduire en lieu et place des études « décoloniales » issues du mouvement woke, comme il se plait à le rappeler avec une amertume teintée d’humour cinglant à qui veut l’entendre.

Plume raffinée, propos érudit, anecdotes savoureuses, Kepel distille sa passion à l’endroit du monde arabo-musulman en explicitant la genèse sociopolitique de ses livres...

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