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Que reste-t-il de la nation d'Ernest Renan ?

OPINION. Une lecture superficielle du texte d’Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?, semble inspirer le débat français sur l’identité en réduisant la nation à un « désir de vivre ensemble » désincarné. Cette conception idéalisée rend aujourd’hui aveugle aux conflits culturels qui se nouent sur le sol français.

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Une simple plaque de rue dans la ville de Stains en Seine–Saint-Denis a suffi à raviver les braises d’une querelle identitaire qui a cours en France, mais qui ne dit pas son nom. Érigée à l’initiative de la municipalité pour rebaptiser symboliquement une rue en hommage à Khadija, première femme du prophète de l’islam, la plaque a suscité la colère du groupe royaliste Action Française, dont une quinzaine de militants ont pénétré l’enceinte de la mairie pour faire part de leur désapprobation. Mathilde Panot, députée La France insoumise, s’est alors empressée de dire son soutien à l’équipe municipale communiste de Stains en affirmant sentencieusement dans un tweet : « La France n’est ni une langue. Ni une religion. Ni une couleur de peau. La France c’est la devise : Liberté, Égalité, Fraternité. »

Il va sans dire que cette séquence politico-médiatique a vu s’affronter une vision multiculturelle de la nation, pour laquelle la culture publique doit puiser ses références dans la mémoire et le panthéon pluriels de la population du pays, et une approche plus traditionnelle qui privilégie, elle, la représentation publique de l’histoire de la nation et de ses grands personnages.

Mais ce qu’il y a de plus symptomatique du débat français sur l’identité, c’est bien la réaction ingénue de Mathilde Panot. Non seulement parce qu’elle incarne une forme de réflexe pavlovien dont une partie de la classe politico-médiatique est si coutumière, celui de bannir la question identitaire de la discussion publique, mais également parce qu’elle pioche dans un répertoire convenu d’expédients rhétoriques vantant une France tournée vers l’universel.

Dans ce catalogue d’expressions qui confine au prêt-à-penser, on retrouve souvent la définition en creux de la France, qui ne serait ni une langue, ni une religion, ni une couleur de peau. Expression de rejet d’une conception ethno-raciale de la nation qui fait consensus,...

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