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Qui n’a pas de passé ne saurait avoir de futur : réflexions sur le livre de Fabrizio Tribuzio-Bugatti, "Le futur était déjà fini"

CRITIQUE. Fabrizio Tribuzio-Bugatti publiait récemment Le futur était déjà fini : essai sur la lotocratie, un court mais mémorable essai analogique entre notre époque et l'Odyssée d'Homère, avec en toile de fond le délitement de nos sociétés. Jacques Sapir l'a lu. 

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Fabrizio Tribuzio-Bugatti nous propose un essai brillant, et un tantinet provocateur, sur la société de l’oubli ; ce qu’il appelle la Lotocratie [1]. C’est un petit livre qui est plus profond que ce qu’il semble de prime abord. Cette idée de la société de l’oubli, issue de la métaphore des Lotophages, lui permet d’investiguer divers aspects de notre société contemporaine. C’est aussi un petit livre aux références multiples. On y rencontre Homère, l’épisode des Lotophages étant tiré de l’Odyssée, mais aussi Aristote, Machiavel, Gramsci et Labriola. On y croise aussi Pasolini et Théophile Gautier, Régis Debray et Julien Gracq, George Steiner et Claude Levi-Strauss, Sénèque et Carl Schmitt. Cela fait, au total, beaucoup de monde. L’érudition est là, sans être pesante cependant. Et l’on peut penser que ce n’est pas inutile vu l’objectif du livre, qui entend décrire la fin de la démocratie et de nos sociétés. Car l’ambition de ce livre est immense : dresser le constat de notre décadence tant collective qu’individuelle, de notre décadence collective tirant ses raisons de notre décadence individuelle. Il y a du moraliste chez Fabrizio Tribuzio-Bugatti.

Un essai, donc, avec ce que cela implique de parti pris, de raccourcis, parfois brillants et parfois obscurs, de formules qui font souvent mouche. Il serait donc malvenu d’aller chercher la petite bête, la référence manquante, l’imprécision aux marges. Par contre, d’un essai, on attend des idées et une cohérence, une plume et un style. Les idées sont au rendez-vous. Elles sont plaisantes ou dérangeantes, c’est selon, mais elles ne sont jamais insignifiantes. Le style est lui aussi bien présent, et il est pour beaucoup dans le plaisir que l’on prend à la lecture. La cohérence, et donc le pouvoir de conviction de l’ouvrage, seront laissé au lecteur.

La thèse du livre est simple, ce qui contribue...

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