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Taxe Zucman : du mauvais usage d’une taxe nécessaire

CONTRIBUTION / OPINION. Entre héritages inégalitaires et capital qui se reproduit plus vite que le travail, la nécessité d’une plus forte taxation des très grandes fortunes pourrait faire relativement consensus. Mais une taxe précipitée, floue et politiquement instrumentalisée risque de desservir la cause qu’elle prétend servir, appuie notre lecteur.

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Crédits illustration : ©Francois Walschaerts/AP/SIPA


Disons-le de suite : je suis pour la taxe Zucman. La montée des inégalités, vertigineuse depuis le tournant libéral des années 80, est le signe le plus visible d’un mal profond qui ronge et détruit les sociétés modernes. Les inégalités reflètent la montée de l’individualisme, d’un certain égoïsme, d’une indifférence entre membres d’une même société ; elles traduisent la perte d’un certain esprit national, patriotique, d’un sens de l’appartenance à une même communauté. Aristote, dans ses leçons sur la politique, disait qu’il ne fallait pas tolérer des différences de revenus entre citoyens d’une même cité d’un ordre de un à cinq. Au-delà, difficile d’imaginer les citoyens partager un sentiment d’appartenance, nécessaire à ce qu’ensemble, ils partent par exemple ensemble à la guerre. Plus proche de nous, Franklin Delano Roosevelt déclarait qu’au-delà d’un certain niveau de revenus, sur les très hauts salaires, il revenait à l’État de tout prendre, parce que ces très hauts salaires, à un certain degré, n'apportent rien à la société. Pire, ils viennent nuire à l’esprit de sacrifice et au sentiment d’appartenance commun. Il lui paraissait normal de mettre en place un système, volontaire, limitant les excès de richesse. C’était dans la première moitié du XXe siècle, et longtemps la logique de Roosevelt a été acceptée comme la norme en termes de logique de l’impôt ; c’était il n’y a pas si longtemps, pourtant il semble que ce fut aujourd’hui d’un autre temps et d’une autre époque.

Il faut lire les travaux de Thomas Piketty sur le champ nouveau dit de l’économie des inégalités. La France, il faut s’en réjouir, est novatrice sur ce champ assez peu exploré de l’étude des inégalités. Piketty, dans Le Capital au XXIe siècle, puis dans Capital et Idéologie, montre que depuis le tournant dit libéral des années 80, impulsé par...

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