Théorie du cocon
CONTRIBUTION / OPINION. Le cocon isole, protège, permet la maturation. Notre abonné file la métaphore et l'applique à la société.
Afin de se protéger, et de progresser, l’aspiration au cocon est humaine et légitime pour chaque individu. D’aucuns la nomment cellule familiale, sphère privée, refuge contre la sphère publique, jugée souvent comme menaçante. Pour l’artisan ou l’artiste, le cocon est son atelier, sa table de travail, il y transforme une matière première en produit manufacturė ou y transfigure un réel dont il s’inspire le plus souvent et qu’il enchante par sa création, unique et indispensable à soi-même, puis aux autres, par un commerce.
Le cocon qui protège un corps en devenir et en transmutation est donc tout à fait décisif pour qu’il advienne cet autre corps, différent du premier. Dans la maison, le futur parent y deviendra peut-être père ou mère ; dans l’atelier, l’arpète y deviendra peut-être le maître de son ouvrage ; devant le chevalet, le barbouilleur peut être un peintre ; devant la page blanche, l’écrivant aspirera à devenir un écrivain. Tout cela est possible, par un exercice, un travail.
Saut qualitatif espéré et rendu possible par la présence initiale du cocon ? Mais la métaphore du cocon peut aussi être trompeuse par l’illusion de la promesse d’émancipation ou de progrès qu’elle induirait. La chenille deviendra certes papillon, mais faut-il pour autant admettre que la condition de « volant » serait plus émancipatrice et enviable que celle de « rampant » ?
En politique, si mon cocon est tissé de slogans, de mantras, de préjugés, d’erreurs d’analyse, d’alliances nécessaires et douteuses, de copinages opportunistes et honteux, comme c’est trop souvent le cas, du fait de l’urgence à agir depuis que la démocratie nous démange (et tant mieux), peu compatible avec le temps de la réflexion ? « Il n’est plus temps de penser le monde, mais d’agir sur lui », disait Marx.
Et si, au bout du compte, ma transmutation trop rapide de passif en actif,...