Christophe Boutin : « Qu’on le veuille ou non, la proportionnelle permet une meilleure représentation de la variété des choix politiques ou idéologiques des citoyens »
ENTRETIEN. À gauche, à droite, au centre, la proportionnelle a ses soutiens de tous les côtés de l’échiquier politique. Pour quelles raisons ? Dans quelles modalités ? Et, surtout : les citoyens gagneraient-ils au change ? Réponses avec le politologue Christophe Boutin, spécialiste de la question.
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Christophe Boutin est politologue, docteur en science politique et professeur de droit public à l’Université de Caen. Il est l’auteur, avec Frédéric Rouvillois, d’un essai stimulant sur le scrutin proportionnel, publié en 2022 aux éditions de la Nouvelle Librairie : La proportionnelle, ou comment rendre la parole au peuple.
Front Populaire : Le scrutin proportionnel aux législatives est un serpent de mer qui revient dans le débat public à intervalle régulier. Il est pourtant régulièrement plébiscité par les Français. Pourquoi rien n’a bougé jusqu’à présent ?
Christophe Boutin : Je dirais que le maintien du scrutin majoritaire uninominal tient à deux facteurs : habitude et intérêt. Habitude, parce que si l’on regarde le nombre de scrutins qui ont eu lieu en France aux élections législatives depuis l’apparition du suffrage universel — masculin certes — en 1848, on compte 33 élections au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, 6 au scrutin de liste majoritaire départemental, et 6 seulement avec un scrutin de liste à la proportionnelle, dont un seul avec une circonscription nationale unique. En quelque sorte, nous sommes habitués à ce mode de scrutin, mais ce « nous » représente-t-il les Français ou bien la classe politique ? C’est une question, puisque l’on a pu remarquer, comme vous le signalez à juste titre, que dans les sondages, une large majorité d’entre eux — généralement plus des deux tiers ou des trois quarts — voit comme une nécessité pour notre démocratie le passage au scrutin de liste à la proportionnelle, ou, au moins, à un système mixte mêlant le scrutin majoritaire uninominal à la fameuse « dose de proportionnelle ».
Ce sont donc plutôt les politiques qui seraient fidèles à cette habitude… mais aussi à leur intérêt. Une fois arrivé au pouvoir, on hésite en effet à saborder le mode de scrutin qui a permis de siéger sous les ors...