politiqueElections présidentielle

L’élection de 1848 en miroir de 2022

ENTRETIEN. La première élection présidentielle de l’histoire de France a eu lieu en 1848, dans un contexte de crise de légitimité des pouvoirs installés et d’ébullition sociale qui n’est pas sans rappeler les temps présents. Directeur et co-auteur de La Première élection présidentielle de l’Histoire (SPM), l’historien Éric Anceau a répondu à nos questions.

/2022/04/Anceau-election-presidentielle-1848-2022-europe-france-elites


Front populaire : L’élection présidentielle nous paraît aujourd’hui une évidence démocratique. En 1848, il s’agit pourtant d’une révolution institutionnelle. Pouvez-vous nous rappeler le contexte ?

Éric Anceau : En février 1848, les Parisiens font une nouvelle révolution (la troisième depuis 1789) et renversent le roi Louis-Philippe et les grands notables qui l’entouraient au profit d’une république, la deuxième de notre histoire après celle de 1792. L’une des premières mesures du nouveau gouvernement est l’instauration du suffrage universel masculin direct. Une assemblée nationale est élue dès le mois d’avril par les Français avec un taux de participation qui nous fait aujourd’hui rêver (84 %). Cette assemblée dite constituante a pour mission première de doter rapidement le pays d’une nouvelle constitution.

FP : La Première république avait été largement une affaire collective, faite de comités, de directoires et de triumvirats consulaires, dans le but d’éviter la tyrannie d’un seul. Pourquoi décider en 1848 de choisir un président et pourquoi au suffrage universel (masculin) direct ?

ÉA : Le choix n’a pas été évident. Il y a eu de grands débats. De nombreux républicains, en particulier à gauche ont alerté sur les dangers d’une dérive vers le pouvoir personnel en cas d’élection d’un président élu au suffrage universel direct. Deux exemples : Félix Pyat affirme que l’onction du suffrage universel sera plus puissante encore pour l’élu que celle du saint chrême dont bénéficiaient nos rois de droit divin et Jules Grévy annonce déjà, à mots couverts, la menace du candidat Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon, qui bénéficiera de l’aura de son oncle et ne tardera sans doute pas à rétablir l’empire. Grévy prône un simple président du conseil des ministres désigné par l’assemblée. Cependant, les journées insurrectionnelles de juin où le peuple de Paris réduit à la misère s’est soulevé contre le gouvernement républicain qui...

Vous aimerez aussi