Une justice politique
CRITIQUE. Ancien avocat du Parti Communiste Français, spécialiste en droit public, enseignant à Assas et fondateur d’un cabinet consacré à la défense de la sphère publique, Régis de Castelnau fait paraître ces jours Une justice politique, aux éditions L’Artilleur. Une charge documentée et polémique sur le grand dévoiement de la justice française.
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« Qui fait l’ange fait la bête », nous a appris le vieux janséniste Pascal. Voilà qui pourrait résumer bien des maux de l’époque, et en particulier ceux qui gangrènent la justice française depuis plus d’un quart de siècle. Depuis le début du 19ème siècle, la magistrature jouissait en France d’une indépendance très relative. Au fur et à mesure des décennies, elle a fini par obtenir les moyens de son émancipation politique. Et Régis de Castelnau de noter : « Le problème est qu’elle l’a fait en déclarant la guerre à la classe politique. Un combat qui s’est fait par une alliance avec la presse et grâce à l’appui de l’opinion publique qui, de façon contradictoire d’ailleurs, lui déléguait la mission de faire rendre gorge « aux puissants ». »
Pourtant, le rôle de la justice pénale est aussi fondamental qu’il devrait être clair. Il peut d’ailleurs être défini négativement, comme suit : « La justice pénale n’est pas là pour contrôler l’action d’un gouvernement, reconnaître un statut de « victime », permettre de « faire son deuil », de se « reconstruire », abattre un adversaire politique ou économique, faire triompher des causes idéologiques ou culturelles, régler des comptes personnels, etc. » Non, en fait la justice pénale est là pour juger les individus et, à l’aide des outils qui sont les siens - impartialité, indépendance, inamovibilité, collégialité, double degré de juridiction, proscription des contradictions d’intérêts, secret des enquêtes et des délibérations, égalité des armes entre l’accusation et la défense -, établir des faits et en tirer les conséquences judiciaires. « C’est tout, et c’est absolument énorme », martèle l’avocat.
Or depuis trente ans, l’« indépendance » incontestablement acquise a produit le contraire de l’objectif prétendument poursuivi par la magistrature. D’outil nécessaire, de levier indispensable permettant de garantir l’impartialité, l’exigence d’indépendance invoquée s’est dialectiquement retournée pour devenir le paravent d’une partialité et d’un corporatisme presque revendiqués (mur...