Benoist Bihan : « En stratégie militaire, soit vous êtes indépendant, soit vous n’existez pas »
ENTRETIEN. Benoist Bihan est consultant en stratégie et historien militaire. Auteur de nombreux articles et études, il publiait en 2020 l’ouvrage La Guerre. La penser et la faire aux éditions Jean-Cyrille Godefroy.
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FP : Il y a une semaine, Florence Parly et son homologue allemand étaient à la base militaire d’Evreux pour inaugurer un futur escadron de transport franco-allemand. La première unité opérationnelle mixte ?
Benoist Bihan : Non. Depuis de nombreuses années des unités allemandes et françaises opèrent ensemble au sein de la brigade franco-allemande basée dans l’Est de la France, dont des unités binationales de commandement et de logistique. Dans le sud de la France, l’école d’aviation légère de l’Armée de terre du Luc abrite en son sein une école franco-allemande spécifique pour la formation des équipages de l’hélicoptère Tigre. Tout cela s’inscrit dans un contexte de coopération franco-allemande préexistant. La nouveauté affichée par les deux gouvernements est que cet escadron puisse théoriquement opérer en corps constitué dans le cadre d’opérations futures, sous l’égide de l’UE.
FP : Pourtant Florence Parly a parlé de « révolution » dans la relation militaire bilatérale franco-allemande, et d’un « degré d’intégration inédit au niveau européen »…
BB : C’est de l’affichage teinté d’emphase politicienne. Il n’y a aucune révolution dans la relation militaire franco-allemande, mais plutôt une évolution par étapes depuis les années 1990. La vraie question, c’est de savoir ce que sera la traduction opérationnelle de cet effet d’annonce. Si vous prenez la brigade franco-allemande dont j’ai parlé, elle se déploie très peu en opération dès lors qu’il s’agit d’opérations de combat, tout simplement parce que les soldats allemands ne s’engagent pas vraiment dans ce type d’opérations. Pour que l’unité ait une réalité pratique, il faudrait que le parlement allemand autorise ses soldats à s’exposer dans le cadre d’opérations dangereuses. S’il s’agit de transporter du matériel d’un point A à un point B, en arrière de zones de conflit direct, ça ne posera pas de problème. En revanche, s’il s’agit de missions plus risquées dans un espace aérien non contrôlé, ça...