Claude et Pauline, enseignants : « On prie tous les soirs pour ne pas avoir de problème »
ENTRETIEN - Claude et Pauline sont professeurs dans un collège d'Ile-de-France. Lui enseigne l'Histoire-Géographie en 4ème, comme Samuel Paty, décapité pour avoir montré des caricatures de Mahomet. Ils dénoncent l'omerta dans l'Éducation nationale face aux incidents relatifs à la laïcité et le manque de soutien de leur hiérarchie.
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Front Populaire : Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie comme vous, a été décapité vendredi près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. Comment avez-vous réagi lorsque vous l'avez appris ?
Claude : C'était comme si c'était à moi que c'était arrivé. Je me suis complètement identifié à Samuel Paty, nous enseignons la même matière à la même tranche d'âge. J'imagine très bien sa solitude, son isolement et la détresse qui a pu être sienne. Malheureusement, cette affaire ignoble est symbolique de l’état délétère de l’Éducation nationale.
FP : Avez-vous un cours sur la liberté d’expression durant l’année ? Avez-vous déjà personnellement expérimenté des incidents avec des élèves ou des parents d'élèves sur des questions relatives à la laïcité ?
Claude : Je fais également ce cours sur la liberté d'expression au cours de l'année, mais l'éducation sur ces sujets on est obligés de la faire tous les jours. Nous avons des questions de la part des élèves sur ces sujets de façon quotidienne. Cela dépend évidemment beaucoup de l'établissement dans lequel on enseigne. Cette année, j'enseigne dans un collège favorisé et il y a très peu de problèmes : cela se passe bien car les élèves sont ouverts à la discussion. J'ai eu des classes de milieux plus populaires et c'était clairement plus difficile. Ils n'ont pas de bagage culturel, pas de soutien des parents à la maison, et n'ont pas l'habitude de réfléchir. Il y a plus de méfiance et de défiance. Cela nécessite un redoublement de l'investissement de la part du professeur. Parfois, j'ai l'impression d'être un peu inconscient car je sais que certains élèves à la maison doivent parler de mes enseignements et doivent être choqués et choquer leur famille. Mais je n'ai jamais été directement menacé jusqu'ici. Mais encore une fois, je sais que c'est parce que j'enseigne actuellement dans un établissement plutôt favorisé économiquement et sociologiquement....