Dans la tête d’Andreas Malm, le penseur écolo qui fascine l’extrême gauche
ARTICLE. Éloge du sabotage, marxisme repeint en vert, défense de la Palestine… L’auteur suédois de Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020) s’emploie à renouveler les fondements de la pensée écologiste pour la conduire à abandonner le totem de la non-violence.
Figure de « l’écoterrorisme à visage humain » pour Le Point ; « Lénine de l’écologie » pour Le Monde ; sur Twitter, Jean-Luc Mélenchon le qualifie d’« intellectuel d'autorité mondiale, pris à parti par les brutes gouvernementales macronistes » après que son nom a été cité dans le décret de dissolution du mouvement des « Soulèvements de la Terre ». Uniquement connu des sphères de l’écologie radicale il y a encore peu de temps, le nom d’Andreas Malm commence à se répandre au sein du grand public.
Avant d’être invité par La France insoumise, d’accorder des entretiens à Mediapart ou à Reporterre, ou de manifester contre les « méga-bassines » de Sainte-Soline en mars dernier, le géographe suédois de 45 ans a déjà eu une longue carrière militante. Un parcours qui a débuté dans les années 90 dans l’activisme pro-palestinien — sur lequel nous reviendrons — et au sein du journal d’un parti trotskiste suédois, avant de devenir maître de conférences en géographie humaine à l’Université de Lund. Son ouvrage sur l’islamophobie (non traduit), Hatet mot muslimer ("La haine des musulmans"), publié en 2010, avait été critiqué par certains médias pour son absence de distinction — largement répandue à l’extrême gauche — entre critique de l’islam et haine des musulmans. Son adoubement par La France insoumise, qui lui a accordé une chaire de géographie au sein de son think tank, l’Institut de la Boétie, n'étonnera pas. Auprès de Mediapart, Andreas Malm salue le « dialogue constructif » mené par le parti de Jean-Luc Mélenchon « avec le mouvement social, sur les questions de race, d’islamophobie, de police et d’écologie ».
S’il est si influent au sein de la frange anticapitaliste de l’écologie, c’est notamment en raison de sa critique de la notion d’anthropocène. Introduite par le météorologue et Nobel de chimie néerlandais, Paul-Josef Crutzen, au début des années 2000, cette notion — également décrié par certains géologues, mais pour d’autres raisons — désigne notre époque géologique, dans laquelle l’action de l’Homme serait le principal facteur des changements environnementaux. Aux yeux d’Andreas Malm, la notion est peut-être pertinente en ce qu’elle permet de sensibiliser le public sur l’effet des activités humaines sur le climat et les écosystèmes. Mais elle pose à ses yeux un problème de taille.
« Capitalocène » contre « récit anthropique »
Attribuer le réchauffement climatique à l’humanité in abstracto permettrait à...