L'impasse décoloniale
La suprématie coloniale de l’Occident aura duré de longs siècles. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, trois écoles de pensée ont accompagné le processus de décolonisation : l’anticolonialisme, le postcolonialisme et le décolonialisme. Tour d’horizon.
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L’histoire est connue, mais posons le cadre. À partir de la fin du XVe siècle, une partie des nations prospères du continent européen se lance à la conquête du Nouveau Monde. La notion de frontière raciale n’existe pas encore conceptuellement, mais elle a émergé de manière nébuleuse en Espagne en 1449, avec la notion de « pureté du sang », définie par la municipalité de Tolède. Cette conception – liée à la religion (Reconquista contre l’influence musulmane) et à l’idée de lignage (sur le modèle de la noblesse) – exclut les juifs, les Maures (Maghrébins) et les Africains. Ce « préracialisme » culturel s’exprime concrètement par les massacres perpétrés au nom des droits des peuples civilisés et la mise en esclavage d’une partie des populations natives. À partir de la fin du XVe siècle et plus clairement du XVIe siècle, les puissances européennes, dont il ne faut pas oublier qu’elles sont concurrentes entre elles, font valoir leur appétit de richesses et leur prétention à évangéliser les sauvages en leur apportant les lumières de la foi chrétienne. L’historien Marc Ferro résume : « La colonisation répond, pour le Portugal comme pour l’Espagne, à un projet à la fois commercial et religieux. L’or et le Christ…(1) » Cette colonisation progressive des puissances européennes va s’accentuer jusqu’au XIXe siècle et prendre une nouvelle forme dans ce que les historiens nomment l’« âge impérialiste ». Dans le monde post-révolution industrielle, les puissants empires européens cherchent de nouvelles richesses, des débouchés commerciaux et un moyen de consolider leur puissance territoriale. Une deuxième vague de colonisation des puissances européennes se déploie, cette fois agrémentée d’un discours justificatif : le colonialisme. Celui-ci permet d’établir la domination des puissances européennes sur une grande partie du monde et d’affirmer une supériorité civilisationnelle.
Au sein de l’Europe, les Lumières ont fait leur travail de sape et, sécularisation oblige, le progrès a remplacé le Christ. Il...