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Alain de Benoist : « C’est chez moi que je me sens en exil »

ENTRETIEN. Alain de Benoist publie L’exil intérieur (éd. Krisis), un recueil de notes et de pensées compilées durant les dernières décennies de sa vie intellectuelle. L’occasion pour lui de livrer une part de ses réflexions profondes et pour nous de l’interroger.

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FP : Pourquoi parler d’« exil intérieur » ? Au-delà de l’aspect poétique du titre de l’ouvrage, que nous dit-il de votre relation à vos contemporains ?

ADB : J’appartiens à une génération qui, en l’espace d’une génération précisément, a vu quasiment disparaître une religion, une culture et un pays. Cela fait beaucoup. Pierre Gripari se définissait comme un « Martien en exil ». Moi, c’est chez moi que je me sens en exil. Cela veut dire que je m’éprouve comme étranger à l’esprit du temps, et surtout à une idéologie dominante, fondée sur des valeurs marchandes et dont le but essentiel est de légitimer l’emprise planétaire de la logique du Capital. On pourrait y ajouter la montée de l’inculture et l’expansion de la laideur, le mépris de la classe dirigeante pour le peuple (et les peuples), le triomphe du narcissisme immature et bien d’autres choses encore. Je n’en suis pas pour autant un « restaurationniste » : je n’entonne que rarement l’air du « c’était mieux avant ». Je pense en revanche que la nostalgie peut aussi être révolutionnaire. C’est du moins ce que disait Régis Debray qui, curieux hasard, vient lui-même de publier un superbe petit livre intitulé L’exil à domicile

FP : Même vos détracteurs reconnaissent votre étourdissante érudition. Vous avez écrit des centaines de livres et en avez lu des milliers. Qu’avez-vous trouvé de vraiment fondamental dans ces longues années de méditation intellectuelle ?

ADB : J’ai beaucoup appris sur l’histoire des idées, des croyances et des doctrines, qui reste mon sujet de prédilection. Si j’y ai vu l’importance des idées, j’y ai aussi acquis quelque chose qui manque aujourd’hui de plus en plus : le sens des nuances. Cela m’a permis d’acquérir une conception du monde mieux structurée.

FP : N’y a-t-il pas une part d’hubris proprement moderne à avoir accumulé autant de livres et de lectures, une sorte de prométhéisme ou...

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