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"Philosophie politique" de Bruno Guigue : mondialisation, impérialisme et démocratie

ENTRETIEN. La mondialisation est-elle la suite mécanique du développement de la civilisation ? Les démocraties sont-elles encore démocrates ? Suite et fin de notre grand entretien avec Bruno Guigue, qui publie Philosophie politique (éd. Delga). PARTIE 1 PARTIE 2

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Front populaire : La mondialisation nous a été vendue comme un processus naturel, incontournable. Va-t-elle encore « de soi » aujourd’hui ?

Bruno Guigue : La mondialisation n’est pas plus un processus naturel qu’une centrale nucléaire. C’est un phénomène historique de longue durée qui, sous sa forme capitaliste, a au moins trois siècles. Le premier à avoir décrit ce phénomène, c’est Marx. Dès 1848, il l’a analysé avec l’acuité d’un regard clinique. Dans le Manifeste du parti communiste, il décrit la constitution d’un vaste marché mondial qui s’étend sur la surface de la terre et absorbe toutes les activités humaines. Il montre comment, au détriment de la valeur d’usage, l’extension de la production a imposé le règne de la valeur d’échange. Sous sa forme contemporaine, la mondialisation est liée à une financiarisation de l’économie mondiale dont les États-Unis ont pris l’initiative. Mais il semble que le monstre ait échappé à son créateur. La Chine est entrée à l’OMC en 2001, et vingt ans plus tard elle est la première puissance commerciale mondiale. Pékin et Washington ont tiré profit de l’accroissement des échanges. Mais la politique des États-Unis est assujettie aux intérêts d’une oligarchie financière qui se soucie avant tout de maximiser ses profits : la mondialisation, c’est une machine à sous pour hyper-riches. L’enrichissement privé a aussi eu lieu en Chine, mais sous la tutelle d’un État souverain qui exige aujourd’hui des riches qu’ils restituent une partie de leurs profits.

FP : Contre l’altermondialisme et l’internationalisme, vous semblez considérer que l’État-nation a encore un rôle à jouer. Pourquoi ?

BG : Comme la mondialisation des échanges, l’État-nation est une réalité historique. Mais certains, comme les trotskistes, font comme s’il n’existait pas. D’autres, qui se prétendent également révolutionnaires, veulent lui tordre le cou. Lors du référendum européen, en 2005, le théoricien de l’altermondialisme, Antonio Negri, a déclaré qu’il fallait...

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