De l’impuissance du politique à la politique de l’impuissance
CONTRIBUTION / OPINION. À mesure que la politique se dissout dans l'économie et la gestion, l'individu moderne n’est plus qu’un vulgaire pion dans un système mondialisé qui a fait fi de la souveraineté populaire. Mais la dépolitisation n’est pas une fatalité, espère notre contributeur, qui appelle à un retour au réalisme politique pour retrouver le pouvoir d'agir sur notre destin.
Propulsé sur la scène du XXIe siècle, Aristote aurait probablement écrit dans son nouvel ouvrage phare, intitulé « L’apolitique », que « l’homme est un animal post-politique. » Si faire parler les morts n’est pas un jeu honnête, ignorer la thèse de la dépolitisation forcée de nos sociétés l’est tout autant. Négation de la souveraineté des peuples, primauté accordée aux logiques marchandes ou encore promotion d’un individualisme forcené, la nature politique de l’homme est attaquée, semant les germes du désenchantement qui s’abat sur notre siècle. (chapeau)
La mise à mort du politique
La modernité est anti-politique. Si son expression a dans un premier temps abouti à certaines évolutions, telles que le retrait du pouvoir de l’Église, l’avènement des États-nations et l’éducation des masses, son avancée dialectique marquée par la contradiction vise en réalité à envisager le dépassement du politique comme une nouvelle finalité. Pour le comprendre, comme le souligne Jean-Claude Michéa, la pensée moderne s’est construite sur le refus de l’idéologie perçue comme une source inépuisable de conflits. Les guerres de Religion entre catholiques et protestants qui meurtrirent l’Europe aux XVIe et XVIIe siècles offrirent aux philosophes de l’époque la preuve du caractère conflictuel de la politique. Par l’adoption d’une morale et de normes propres à chaque groupe humain, la politique produit un antagonisme entre les diverses communautés. La frontière posée entre le Eux et le Nous serait à l’origine de tout conflit. La neutralisation du politique apparaît dès lors comme l’unique moyen de pacifier les sociétés humaines à travers le refus d’édiction d’un comportement à suivre à portée collective : ce n’est plus à la communauté liant les hommes que revient le droit de définir ce qu’est la vie bonne, mais aux seuls individus. En individualisant les choix de vie, et donc en amputant la raison d’être du politique d’essence collective, les penseurs de...