« Fin d’vie », du syntagme au slogan : témoignage d’un patient (partie 1)
CONTRIBUTION / TÉMOIGNAGE. Le texte sur la fin de vie sorti des débats de la commission spéciale de l’Assemblée nationale va encore plus loin que le projet annoncé par Emmanuel Macron. Il sera examiné dans l’hémicycle à partir du 27 mai. Inquiet, notre lecteur a souhaité apporter son témoignage personnel au débat.
Je souffre à cinquante-deux ans d’une récidive d’un cancer particulièrement agressif qui se déclara début 2021 et fut soigné cette même année. J’ai fait face, dans l’espoir qu’une vie normale reprendrait son cours. Né aux temps nouveaux d’une modernité ayant inauguré le recul du tragique dans nos vies d’occidentaux, j’avais il est vrai, jusqu’à cet événement, bénéficié « à taux plein » d’une existence où tout s’arrange toujours. Mais comme souvent avec cette maladie, il n’en est rien, de sorte que vous restez durablement empêché ; les mutilations d’une opération, les conséquences au long cours des traitements sont autant de séquelles invalidantes.
Le paradis d’une modernité choyante pour nos vies biologiques s’ouvre alors sur l’enfer, car il est bien difficile de faire entendre à votre entourage, du plus proche au plus lointain que non, tout ne s’arrange pas toujours dans l’existence et que vous ne retrouverez jamais « la vie normale » qu’ils attendent de vous, celle qui permettrait de ne plus jamais avoir à être confronté à votre mort possible, à « votre » maladie, à ralentir leur rythme pour vous.
Alors que vous êtes sommés de côtoyer l’horreur, il vous faut aussi composer avec votre milieu, sujet soudain à des mutations et remaniements profonds. Votre couple tiendra-t-il ? Le cancer entraîne maintes séparations. Vais-je être relégué au travail où tout le monde se gratifie d’un : « ça va ? », lors des salutations matinales ? Les relations se clairsèment à l’instar de votre chevelure. Celles qui étaient fragiles s’évaporent, c’est un soulagement. Des portes se ferment. Toutefois, les proches et moins proches doués d’une sincère considération pour leurs semblables et dont vous connaissiez encore assez peu cette aptitude vous emplissent alors de joie.
Dans une époque où l’on ne croit plus en Dieu ou presque, l’ésotérisme recouvert d’approches psychologisantes californiennes prospère et vous trouverez toujours quelqu’un pour vous abattre...