Lettre ouverte à nos députés concernant les lois sur la fin de vie
CONTRIBUTION / OPINION. Ce mardi 27 mai, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi relative au «droit à l’aide à mourir ». Notre contributeur s'intéresse dans cette lettre ouverte aux députés aux problèmes que soulèvent les grands arguments des partisans de l'euthanasie. Pour lui, un sujet aussi sensible n'est pas qu'une simple affaire de droit(s) : c'est d'implications anthropologiques concernant la société dans son ensemble qu'il est ici question.
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Il est des sujets que la pudeur du langage n’adoucit pas. Lorsque le législateur débat d’une « aide à mourir », ce que le langage feint de gommer demeure d’une limpidité crue : il s’agit de légaliser, sous certaines conditions, la mise à mort d’un individu à sa propre demande – autrement dit, un suicide. Je n’écrirai pas ici pour trancher cette question éminemment tragique et complexe ; ce serait faire offense à la gravité des existences concernées et à l’ambiguïté morale de la finitude humaine. Mon propos est plus modeste, mais non moins nécessaire : interroger deux arguments massivement invoqués par les partisans de cette loi. Non pour les nuancer, mais pour les démonter.
Le premier argument repose sur la souveraineté de l’individu : c’est à chacun de décider de sa propre fin. Et qui serions-nous pour empêcher la volonté d’un individu souverain ? Le second affirme que la légalisation de ce droit ne prive personne de rien. Donner davantage de libertés à ceux qui veulent mourir n’enlève rien aux autres. Voilà les axiomes. Ils paraissent raisonnables, presque neutres. Et pourtant, ils sont viciés à la racine.
De l’illusion d’un moi souverain
Peut-on vraiment affirmer que l’individu est le mieux placé pour décider de sa propre mort ? C’est là le premier angle mort de l’argument. Car cette souveraineté supposée s’effondre dès que l’on interroge sérieusement la capacité du sujet à décider lucidement et librement.
Menée dans les années 1960 et reproduite à de nombreuses reprises avec des résultats similaires, l’expérience de Milgram révèle que deux tiers des individus sont prêts à administrer des décharges électriques supposées mortelles à une autre personne, simplement sur ordre d’une autorité scientifique. Des hommes normaux, qui n’avaient ni haine ni intérêt personnel, obéissaient tout simplement. Cette soumission révèle un fait fondamental : la plupart des individus se comportent de façon hétéronome,...