BioéthiqueEuthanasie

Notre société cache la mort

CONTRIBUTION / OPINION. Alors que l’ébauche du projet de loi sur la fin de vie est arrivée sur le bureau d’Emmanuel Macron, notre lecteur voit dans ce mouvement de la société un signe de basculement civilisationnel : au lieu d’accepter qu’elles fassent partie de la vie, la souffrance et la mort sont cachées, niées.

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Notre société cache la mort. Elle la refuse par différents procédés jusqu’à la nier. Les vieillards sont relégués dans des établissements spécialisés. Le culte de la jeunesse, de l’esthétique, du bien-être, élimine tout corps qui ne répond pas à ses critères. La vieillesse, la maladie et la mort sont devenues obscènes, indécentes. « Cachez cette agonie que je ne saurais voir ». Notre système hospitalier est lui-même saturé et mourant parce qu’on lui demande de traiter tout ce qui n’est pas beau, sain, et jeune, de le faire discrètement, et en silence, le moins cher possible.

À force de bonnes volontés « humanistes », cette forme de naïveté cynique tourne à l’eugénisme. Un temps écarté en raison des atrocités nazies, ce fléau de l’eugénisme hante de nouveau des pans entiers de la société actuelle par des voies sournoises et silencieuses, des manipulations génétiques à la standardisation excessive des protocoles de soins et même des corps tous fondus dans le même moule. Le débat sur la fin de vie est largement pollué par ces questions, de façon consciente, ou inconsciente. L’angoisse est palpable, comme le « sourd craquement du monde » évoqué par René Lenoir, alors secrétaire d’État à l'action sociale, auteur d’une « Humanisation des hôpitaux » à une époque totalement oubliée depuis 50 ans, évoquant « les exclus », ces cohortes d’êtres humains expulsés de toute considération.


Fuite en avant


Cette fuite va jusqu’aux débats sur l’euthanasie, terme mécanique inadapté, voire indécent. Le débat se fourvoie souvent dans des considérations qui n’ont plus de rapport avec le choix intime de l’individu. Certaines personnes condamnées se sentent honteuses d’imposer l’obscénité de leur fin prochaine à l’entourage et à la société. Elles veulent alors disparaître le plus vite possible, se sentant elles-mêmes devenir infamie, laideur. Une patiente disait récemment : « Faites-moi mourir cette semaine parce que mes enfants partent en vacances...

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