L’Empire élitaire contre-attaque
OPINION. Souvent caricaturé, le mouvement populiste n’est pas à proprement réactionnaire, selon nos auteurs. Au contraire, détaillent-ils, ce terme conviendrait bien mieux à cette élite fatiguée, mais encore remuante, qui ne peut accepter de voir son monde progressiste mourir.
En 1994, dans la veine d’un Pareto des temps modernes, Christopher Lasch délivrait déjà ce constat visionnaire accablant pour les élites américaines de son époque, en pleine ère clintonienne : « Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l’ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c’était la Révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. »Dans La révolte des élites et la trahison de la démocratie, il arguait que les élites elles-mêmes avaient décidé de vivre à part, de faire sécession et ne se sentaient plus comme tributaire de la poursuite du bien commun. L’analyste Martin Guri (The Revolt of the Public) notait récemment que jusqu’à Ronald Reagan, peu ou prou, et, quel que soit leur patrimoine personnel, les présidents américains étaient perçus comme vivant dans la classe moyenne. À partir de Bill Clinton, leur réseau social devient celui des stars et des milliardaires. Un phénomène qui arrivera en France avec Nicolas Sarkozy, cautionné par Hollande (en couple avec une star) et amplifié par le couple Macron, plus à l’aise avec les Arnault et les youtubeurs stars qu’avec les classes populaires.
Nous avons toujours analysé ce que d’aucuns appellent populisme, non pas comme une idéologie sui generisou un parti, mais comme un moment : le populisme est la situation dans lequel se trouve un peuple à l’instant t de considérer qu’il n’est plus correctement représenté par ses élites (réelles ou autoproclamées). Pour le dire autrement, en utilisant les termes de Machiavel, quand la pensée du Palais n’est plus en phase avec la pensée de la Place Publique, le peuple fait sécession : il se retire sur son Aventin, tel le peuple romain lors de...