Le conservatisme : une nouvelle modernité ?
CONTRIBUTION / OPINION. À l’heure de la post-modernité, alors que toutes les classifications intellectuelles semblent mouvantes, le conservatisme apparaît comme une pensée réactionnaire qui se satisfait de la modernité.
Commençons par une citation de Paul Valéry, qui écrivait que « tout antimoderne est un moderne qui s’ignore ». En effet, l’antimoderne se veut conservateur. L’académicien Antoine Compagnon, dans son chef-d’œuvre Les antimodernes, écrivait : « Une série de thèmes caractérisent l'antimodernité entendue non comme néo-classicisme, académisme, conservatisme ou traditionalisme, mais comme la résistance et l’ambivalence des véritables modernes. » C’est-à-dire que le premier des antimodernes est un moderne, car il a besoin de résister. Antimoderne veut dire conservateur aujourd’hui, mais la réciproque non. C’est ce que le regretté Philippe Muray était. On a besoin de cette modernité, des nouveaux temps, pour justifier son amour du passé, de la nostalgie. Dans ses essais sur ce qu’il appelait le « festivisme », il voyait avant tout la décadence de son temps. Pourtant, des antimodernes comme Paul Morand se définissaient eux-mêmes comme décadents. Peut-être vaudrait-il mieux les caractériser d’esthètes ? Nous aborderons cela plus tard dans nos propos sur l’âge d’or de la littérature conservatrice et romantique, le XIXe siècle.
Le dictionnaire de l’Académie française définit le « conservatisme » comme « Doctrine ou état d’esprit qui tend à s’opposer à toute modification ou innovation, par attachement aux pratiques traditionnelles ou à l’ordre existant ». Ce même dictionnaire définit la « modernité » comme « Qualité de ce qui est ou ce que l’on juge moderne, de ce qui témoigne des transformations, des évolutions de l’époque présente, est caractéristique d’un esprit nouveau, de goûts nouveaux, répond aux désirs, aux attentes du moment », en citant notamment Baudelaire. Ces deux définitions aujourd’hui se croisent, car le conservatisme, qui se veut de droite, comme de gauche, tend à revenir, face à l’évolution du monde. Le conservatisme de droite se verra notamment à travers les héritiers de la Contre-révolution, tandis que le conservatisme de gauche se verra dans les anciennes pensées sociales, qui viendrait des grandes luttes ouvrières, les...