HistoireCulture française

Le pouvoir, le peuple… et le pain

OPINION. Nourriture du peuple, objet de spéculation et de révolution, référence culturelle et spirituelle… À l’occasion de la fête du pain, qui aurait dû se tenir autour du 16 mai, notre abonné boulanger fait un récit passionnant de la place prépondérante du pain dans notre histoire.

/2021/05/BOULANGER-PAIN

Le pain a longtemps influencé le pouvoir des gouvernants et le peuple des gouvernés. Depuis le Néolithique, il constitue avec eux un triangle éternel qui traverse les siècles et les frontières. En aval de la domestication des céréales, qui modifie les rapports sociaux, cette nourriture de base devient un des moteurs du « vivre ensemble ». Né en Mésopotamie, le pain conditionne l’agriculture et la culture, tout en s’adaptant à son environnement géographique et climatique. Il se compose principalement de blé dans le bassin méditerranéen, de seigle au nord du continent européen, de mil en Afrique ou de maïs chez les Mayas des Amériques. Les premières cités s’empressent alors de régir cet aliment incontournable, ciment des sociétés humaines. Des pharaons d’Égypte jusqu’aux « printemps arabes » menés au nom du slogan « pain, liberté, dignité », en passant par les royaumes et dynasties eurasiatiques, il demeure un objet abondamment politique. Dans la Rome Antique, les empereurs flattent la plèbe en promettant « Panem et circenses »(du pain et des jeux). Par la suite, de nombreux potentats s’appuient sur lui pour conduire et contrôler leurs sujets. Les États se construisent grâce à leur capacité de capter, par le biais de la fiscalité, un surplus de chaque récolte. Résultant de cette spoliation excessive, mais légitimée, le pain enclenche d’innombrables révoltes populaires lorsqu’il manque ou que son prix augmente. Le pouvoir nourricier régente le pain familier pour manœuvrer le peuple subordonné.

Dans l’organisation féodale d’un territoire français en construction, le pain touche aussi au divin. Lorsque la religion le consacre « corps du Christ » au moment de l’eucharistie, il devient une référence autant matérielle que spirituelle. S’inscrivant comme le meilleur rempart anti-disette, le pain se grave dans nos consciences comme plus tard les mots « Liberté, Égalité et Fraternité » aux frontons de nos mairies. Traversant d’innombrables famines, le pain est à l’origine...

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