Pantin devient Pantine. Décision à effet immédiat pour cette jolie petite ville jouxtant le XXe arrondissement de Paris, le canal de l’Ourcq, et les phares du 93 Aubervilliers et Bobigny. Non, ce n’est pas une blague. Ces gens-là sont très sérieux.

En arrivant ce matin au travail, bifurquant par la porte de la Villette vers la rue de la gare, j’ai vu les « archipels sidéraux » de Rimbaud. Des gondoliers à panache promenaient des amoureux éperdus sur le canal, à peine sortis de leur torpeur romantique de la nuit ; les toxicos mêlés aux migrants le long des rues déguenillées avaient disparu, policiers, médecins et volontaires avec ; la propreté rayonnait du mot d’ordre ESG ; les femmes descendant du tramway arboraient un sourire indiciblement serein, rassérénée d’une position sociale plus élevée, d’un conjoint mâle dominant qui s’était immédiatement abstenu de tout comportement domestique déviant, de l’absence certaine d’agressions à venir aux coins de la rue — les délinquants, trop respectueux de la subtilité de la langue ne pouvant se plier qu’à la force d’expression symbolique de celle-ci, à défaut des baïonnettes de la maréchaussée. Clairement, personne ne pouvait rêver d’une meilleure entame pour 2023, pourtant placée sous des augures moins optimistes.

Un bon mot vaut mieux qu’un long discours, pour paraphraser Napoléon. Mais il y a quelque chose de cent fois pire que la dictature de l’émotion, c’est la dictature de l’émotion raisonnée, raisonnable, rationnelle, brandie au nom du Progrès et de l’inénarrable Justice sociale ! Nous avons là une expérimentation réelle de la novlangue, à l’état pur, du n’importe quoi en lingots. Big Brother doit se délecter en voyant son impact sur le monde et sur Monsieur le Maire de Pantin, qui agit là précisément en bon pantin du wokisme et de son totalitarisme doux subrepticement disséminé dans cet avatar...