Langue française

La Méprise

ANALYSE. Il n’existe plus aujourd’hui qu’une appréhension utilitaire du langage qui repousse et rédime l’imaginaire. Cette utilisation du langage repose sur une vision rétrécie du monde, dans lequel n’existe que du Réel à l’état pur. La France a du génie certes. Et son premier génie c’est assurément sa langue, naturellement poétique.

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Il n’existe plus aujourd’hui qu’un emploi et une appréhension utilitaire et performative du langage. Une appréciation utilitaire qui repousse et rédime l’imaginaire. Elle repose sur « l’illusion » qu’il y aurait entre le mot et la chose un lien de motivation ou de ressemblance serrée, une identité à interface unique, un lien sans interstices et sans écart. Une sorte de langage matricule, de langage cellulaire : un mot pour signifier une chose, un mot pour décrire un contexte – qu’il soit économique, social ou politique.

Cette utilisation du langage repose plus globalement sur une vision rétrécie du monde, dans lequel n’existe que du Réel à l’état pur. Un Réel synchronique, figé dans le temps et l’espace, et constitué d’une pléthore de matière brute, comme autant d’organisme particulier, mais chacun ouroborosde lui-même, lové, replié, et dans l’attente impatiente d’être nommé pour naître. Un monde d’objets concrets et, dans leur identité immanente, interchangeables.

Chassez le religieux, la croyance en un monde parfait, et les revoilà surgissant à l’envers. Dans le monde du Réel, toute chose est engoncée par anticipation dans sa perfection ultime. L’objet est ce qu’il est ou, in fine, ce qu’il doit nécessairement être. De même pour le langage, vastes collections d’objets ontiques et dénotatifs, immense caisse à outils pratiques et pragmatiques, dont chacun des éléments ne connait qu’un usage particulier, usage unique. Dans ce monde-là, les mots-instruments, les mots-outils, ne sont que des objets parmi tant d’autres, utilitaires et fonctionnels – marteau, enclume, tenon et mortaise, dont il suffirait de bien tenir le manche.

Chacun dès lors peut s’approprier le langage – devenu matière à solipsisme comme une autre. À sa guise et selon ses désirs particuliers. Chacun se croit en vérité, en capacité et en pouvoir de le « négocier », comme avec tout autre objet. Autrement dit, de s’en...

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