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Marie de Hennezel : « On a laissé mourir des personnes âgées séquestrées dans leur chambre »

ENTRETIEN. Dans son ouvrage "L'adieu interdit » (Plon), Marie de Hennezel, psychologue qui a travaillé à la mise en place des soins palliatifs en France, revient sur la pandémie de Covid-19 et dénonce la folie hygiéniste qui a isolé les personnes âgées en leur imposant des situations inhumaines.

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Front Populaire : Dans votre ouvrage « L’adieu interdit » vous dénoncez un retour en arrière concernant les questions autour de la mort lors du premier confinement en mars dernier. Pouvez-vous nous expliquer cette régression ?

Marie de Hennezel : Lors du premier confinement, il faut rappeler que tous les décès n’ont pas été la conséquence de la Covid-19 en tant que telle :  des personnes séquestrées dans leur chambre - et j’assume le terme « séquestrer », se sont laissées mourir de désespoir ou de chagrin. On a interdit l’accompagnement des mourants, on a interdit aux proches de pouvoir constater la mort, tout comme on leur a interdit de se recueillir dignement, de pouvoir se réunir autour d’un cercueil.

Les droits que nous avons acquis, notamment avec la loi de 1999 sur l’accès de tous aux soins palliatifs et le droit d'être accompagné dans ses derniers instants n’ont pas été respectés. De même la loi sur les droits des malades en fin de vie de 2005, permettant aux personnes d’exprimer leurs volontés n’a pas non plus été respectée. On n’a tout simplement pas écouté les personnes âgées. Certaines ont exprimé pourtant qu’entre prendre le risque de mourir tout en restant en lien avec leurs proches et passer le reste de leur vie confinées, le choix était fait. On a donc protégé la vie biologique de ces personnes, sans se demander si cette vie gardait un sens pour elles, à partir du moment où la vie affective, sociale, devenait impossible.

Tout le combat - depuis les années 90 - pour la dignité du mourir a donc été balayé par ces mesures sanitaires qui ont généré de l’indignité, et une inhumanité largement dénoncée par les soignants eux-mêmes.

FP : Vous écrivez que le confinement a été un révélateur de notre rapport à la mort. Pourquoi ?

M. de Hennezel : Il y a un tabou de la...

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