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Où en est la nation ?

OPINION. Didier Lemaire a enseigné la philosophie pendant 20 ans à Trappes. Menacé pour avoir alerté sur la montée de l'islamisme, il se consacre désormais à l'écriture. Il publie ce mois-ci Petite philosophie de la nation (éd. Robert Laffont). Pourquoi revenir sur cette notion ? Il s'en explique dans ce texte. 

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En regardant notre passé avec un peu de distance, on peut dire que la nation fut une invention, née de l'humanisme, qui considéra les hommes, pour la première fois dans l'histoire, comme des individus. C'est sur la base de la singularité de chaque être humain qu'elle réunit les hommes. Leur commun ne se fonda plus sur leur identité sociale, leur appartenance à l'aristocratie, au clergé ou au tiers état – ce qui supposait une adhésion aveugle à une hiérarchie voulue par Dieu ou la nature – mais sur ce qui la dépasse et qui appartient à chacun : être unique (et n'être au monde pour une seule fois), et ne jamais être réductible à ses qualités puisque, par la pensée, chacun peut se mettre à distance de ce qu'il est et se choisir.

Cette invention coïncida avec la conscience plus ou moins claire que la société n'est pas un ordre supérieur à l'individu et qu'elle consiste, essentiellement, dans des rapports de solidarité. La nation fut ainsi, selon Marcel Mauss, la manifestation d'un sens du social. C'est la raison pour laquelle cette communauté de citoyens libres et égaux se donna des services publics, régaliens ou sociaux, à travers un État qu'elle voulut contrôler en se réunissant dans une assemblée nationale.

Un siècle plus tard, cette invention fut dévoyée par le nationalisme qui confisqua la nation. Il réduisit les hommes à de simples spécimens d'un groupe supposé partager une identité immuable qu'il faudrait défendre contre des ennemis. On sait à quelle guerre absurde ce dévoiement a conduit. La « nation-identité » n'est pourtant qu'un mythe. Dans un État-nation, y a une langue nationale, un patrimoine national, une éducation nationale mais il n'y a pas d'identité nationale pour la simple et bonne raison que l’État ne dicte pas, et ne doit pas dicter, ce qui relève...

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