Culture française
Par Anne-Sophie Chazaud.
De laudations en hagiographies, d’extases en panégyriques, la cause était entendue : la Ville dont le Prince était un enfant avait en outre la chance inestimable que celui-ci fût manifestement un rare prodige aux multiples talents et aux aptitudes surdéveloppées.
Au fil de la campagne présidentielle et dans les mois qui ont suivi sa prise de pouvoir, les éloges ne tarirent pas quant aux qualités intellectuelles et à l’appétence culturelle décrétées hors du commun du jeune énarco-banquier. L’on entendit tout, cela fusait en tous sens comme autant de feux d’artifice pour quelque célébration royale, certains le décrétèrent avec pompe et déférence « Président-philosophe » (sic) à grands sons de flûtes de pan et force compliments d’une facture à faire pâlir les courtisans de Versailles, d’autres louaient son désir rentré d’une littérature qui toujours affleurait sous la sensibilité du garçon curieux, s’enquéraient de ce que sa bibliothèque fût aussi fournie et variée que celle d’un honnête homme pût l’être, il était, rendons-en grâce au ciel, le secrétaire qui aurait murmuré à l’oreille de Ricœur dans la douce pénombre des âmes herméneutiques qui s’entreparlent, il jouait, disait-on, fort bien du piano, à la façon des jeunes filles de bonne famille de province au temps jadis, ce qui était déjà fort appréciable convenons-en, nourrissait du reste un véritable goût musical classique original au regard de sa génération, aurait rêvé d’être écrivain (et pouvoir faire son numéro) – ce à quoi il renonça après plusieurs tentatives qu’il jugea lui-même insuffisamment satisfaisantes, et qui étaient éminemment respectables (le désir comme le renoncement). L’on évoquait, pour tenter de cerner ses influences, les Feuillets d’Hypnos et le résistant René Char, une lecture approfondie de Hegel et de Machiavel – fruit d’un DEA de philosophie – la fréquentation de la revue Esprit, les ouvertures intéressantes de l’économiste Amartya Sen, la passion...