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De l'hygiène numérique à l'usage des jeunes générations

À rebours du discours libéralo-progressiste dominant, Olivier Rey recommande aux enfants nés après l’invention d’internet de cultiver les humanités et de lire encore et toujours des livres pour mieux comprendre notre monde contemporain si complexe.

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Dans Révolution, le livre où en 2016 il exposait son projet pour la France, Emmanuel Macron comparait l’ancienne France rurale à une prison : « Longtemps, les Français ont été comme reclus dans leurs villages1. » À peine distincts des bêtes de leurs fermes, pour ainsi dire. Enfin, la modernité est arrivée. Gagnant progressivement l’ensemble des territoires, elle a mis le cheptel humain en mouvement. Des Travaux et les jours d’Hésiode, on est passé au Devenir soi de Jacques Attali. Élargissement spectaculaire de l’horizon !

Des îlots dans l’océan

Les courtes limites d’antan, cependant, n’avaient pas que des inconvénients. Elles dessinaient un monde à la mesure des facultés humaines. Homo sapiens, depuis qu’il est apparu à la surface de la Terre, a appris à vivre au sein de groupes qui comptaient quelques dizaines ou centaines d’individus. C’est à cette échelle que nos aptitudes continuent d’être proportionnées. Selon l’anthropologue britannique Robin Dunbar (né en 1947), le nombre maximal de personnes avec lesquelles nos capacités cognitives nous permettent d’entretenir des relations sociales de façon suivie est d’environ 150. Ce nombre est susceptible de varier selon les individus, d’autres auteurs l’évaluent un peu différemment mais, quoi qu’il en soit, l’ordre de grandeur est juste. Dès lors, quand bien même la vie dans de grandes villes, ainsi que le développement de modes de transport rapide et de moyens de communication à distance rendent possibles d’entrer en relation avec des millions, voire des milliards de gens, il nous faut vaille que vaille recréer, au milieu de cet océan, des îlots à notre taille. Avec cet avantage considérable : au lieu que nos connaissances nous soient prescrites par le voisinage, nous pouvons, au moins en principe, les choisir selon nos préférences, en puisant au sein d’un immense vivier. Cela étant, tirer le meilleur parti de cette liberté nouvelle n’est pas chose...