À l’heure grave où Sandrine Rousseau est parvenue à l’existence politique, alors que la déconstruction post-moderne, pleinement installée en Occident dans le vocabulaire public, attaque chaque jour les « genres » sexuels, les identités nationales et l’esprit de rationalité, au moment où les forces du capitalisme « progressiste », soutenant des réseaux aussi minoritaires qu’agressifs, font de cette déconstruction leur étendard idéologique, il faut remonter aux origines pour rétablir les responsabilités. Si les États-Unis ont formé le laboratoire social du post-modernisme, ce sont des Européens, Français à l’avant-garde, qui furent autour de 68 ses théoriciens majeurs. Comme souvent, les Américains font d’abord, pensent ensuite et, philosophiquement, presque jamais par eux-mêmes. Ainsi la dissolution du patriarcat, l’individualisme économico-juridique, le règne du consumérisme et le relativisme moral suivi comme son ombre par son apparent contraire, le puritanisme, ont-ils d’abord été expérimentés aux États-Unis. Mais cette vague post-moderne a reçu ses principaux concepts de philosophes français – Deleuze, Foucault, Derrida en tête. Sans l’hégémonie américaine combinant puissance matérielle et mimétisme social, hard et soft power, l’antimonde occidental des quarante dernières années aurait été impossible ; mais sans les élaborations ou élucubrations déconstructrices conduites en Europe, il n’aurait pas exercé la même séduction idéologique.

On se dispensera ici d’entrer dans les subtilités de la déconstruction philosophique, toutes ses variantes étant rassemblées sur la même ligne de front par leurs cibles communes : l’enracinement historique, la substantialité philosophique, la différence sexuelle, la common decency – sens éthique des gens ordinaires qu’Orwell voyait méprisé par les intellectuels d’avant-garde – et, au strict plan politique, les nations et les États occidentaux dans leur identité et leur souveraineté. Sur ce socle d’hostilités partagées, la déconstruction a conjugué les deux principales idéologies soixante-huitardes : le post-marxisme et le libertarisme, qui ont vite surmonté leurs antagonismes en réunissant leurs haines rectrices. Ainsi le marxisme reconverti en...