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Le bilan de la « mondialisation heureuse »

Les partisans du cercle de la raison nous ont vendu au milieu des années 1990 l'idée de « mondialisation heureuse ». C'était la « fin de l'histoire » et le triomphe supposément inévitable de l'échange marchand intraplanétaire. Pour quel bilan ?

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Le monde a connu, à partir de 1991, une vague d’expansion du commerce mondial que l’on a nommé la « mondialisation ». Elle n’était ni la première ni la seule. Mais à la différence des précédentes vagues d’expansion du commerce international, elle a été accompagnée à la fois de changements structurels dans les économies, avec les développements des marchés financiers, et d’un discours idéologique particulier que l’on peut désigner comme l’apologie d'une mondialisation. Alors que le reflux de cette vague est désormais admis et acté, y compris par les institutions chargées de la mettre en œuvre, nous pouvons commencer à en dresser le bilan.

C’est à partir de la toute fin des années 1980 que l’expansion du commerce mondial a commencé. Le mouvement a été spectaculaire jusqu’à l’orée de la crise financière de 2008-2010. Puis, cette expansion s’est arrêtée (voir graphique ci-dessous).



Naturellement, la très forte expansion de 1991 à 2008 – la part du commerce ayant augmenté de deux tiers – a engendré toute une série de fantasmes au sujet de la « mondialisation ». En France, l’auteur le plus connu pour s’être épanché sur le sujet est Alain Minc (1). Pour autant, depuis 2012, on semble avoir pris conscience de l’arrêt de cette expansion. L’économiste en chef de la Banque mondiale, Carmen Reinhart, l’a elle-même reconnu : « La Covid-19 est le dernier clou dans le cercueil de la mondialisation (2). » Notons que si elle parle du « dernier clou », c’est qu’il y en avait eu d’autres…

Elle n’est d’ailleurs pas la seule. Kemal Dervis, dans une tribune publiée en juin 2020 par la Brookings Institution, l’une des plus célèbres fondations de recherche (ou think tank) du Parti démocrate ajoutait : « La catastrophe de la COVID-19 ayant mis à nu les vulnérabilités inhérentes à une économie mondiale hyperconnectée et du juste à temps, un retrait de la mondialisation semble...