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L'ère du fact-checking

De plus en plus de médias se sont assigné la mission de lutter contre les fake news à l’aide d’un service « vérification des faits ». Sami Biasoni montre la vanité et l’amateurisme qui se cachent derrière les belles déclarations de ces chevaliers blancs de l’information.

/2022/03/28_fact check


Le débat organisé en septembre par BFMTV entre l’aspirant candidat Zemmour et le toujours candidat Mélenchon a marqué le début de la campagne présidentielle, non seulement en raison de la personnalité des invités et de l’étendue putative de leurs antagonismes politiques, mais aussi pour le rôle décrié qu’y a joué le service de fact-checking de la rédaction de la chaîne. Si l’on n’y prête garde, l’échange cité ci-dessus entre la journaliste Amélie Rosique et Éric Zemmour pourrait passer pour une simple passe d’armes rhétorique, courante en pareilles circonstances ; il est en fait révélateur d’une forme de cécité généralisée à l’endroit des statistiques et de leurs usages au sein de nos démocraties contemporaines.

À une heure de grande écoute, comment un candidat à la présidence de la République et une journaliste sérieuse et chevronnée peuvent-ils, à partir d’un même fait public, formuler deux estimations aussi différentes ? L’enjeu est majeur quand on sait que l’écart entre les deux estimations correspond à lui seul à la somme des budgets annuels des ministères de l’Enseignement supérieur, de la Santé et de la Justice. En réalité, les deux protagonistes de cette scène sont victimes du même biais cognitif, dit « biais de confirmation », dont il est difficile de se défaire, et auquel nous sommes tous confrontés, qui a trait à la tendance naturelle des individus à retenir préférentiellement l’information qui conforte leurs convictions déjà établies et à rejeter celle qui s’y oppose. En l’espèce, la journaliste et le candidat fondent leurs assertions sur des faits bien établis, mais malheureusement incomplets, et c’est là que le bât blesse. On se souvient de la boutade fort à propos de Coluche : « Manifestation de policiers à Paris : 3 000 manifestants selon la police, 10 000 manifestants selon… les policiers. » Le point de vue du locuteur importe et même les...