« Les personnes que vous recherchez sont celles dont vous dépendez. On prépare vos menus, on enlève vos ordures, on vous relie par téléphone, on conduit vos ambulances, on vous protège pendant votre sommeil. Jouez pas aux cons avec nous ! »

Tyler Durden, Fight Club (paru aux USA en 1996 et en 2002 en français, éd. Gallimard).

L’aspiration à la justice est profondément chevillée au corps de l’être humain. Tout au long de l’Histoire, alors que la société était divisée entre exploitants et exploités, entre riches et pauvres, entre puissants et misérables, ces divisions étaient rationalisées et justifiées par les idéologues en titre – jadis théologiens ou écrivains de cour, plus récemment économistes. Mais tout au long de la même Histoire, des contre-récits subversifs, religieux, philosophiques ou économiques, défiaient ces justifications, proposant un ordre du monde renversé.

Les grandes religions présentent aux humiliés et aux offensés une consolation post-mortem, une autre vie, éternelle, où les choses se trouveraient enfin à leur place. « Les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers », promet l’Évangile de saint Luc. Dans les utopies rationalistes des derniers siècles, cette espérance a réintégré le monde d’ici-bas, devenant immanente, mais avec toujours la même idée d’une justice sociale enfin accomplie : « Nous ne sommes rien, soyons tout ! », dit l’Internationale, faisant écho à l’idée de la révolution prolétarienne qui doit, au terme d’une lutte violente, renverser la hiérarchie injuste et arbitraire de l’argent et en établir une fondée sur la rétribution équitable des contributions : de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail.

L’Occident a connu plusieurs moments où les hiérarchies qui semblaient solidement établies ont été mises à bas et remplacées par un ordre nouveau. Aujourd’hui, nous vivons un moment, en particulier en France, où le renversement possible des hiérarchies est sur la table. Pourtant, une...