Ces derniers mois, le débat sur la dépendance est relancé à propos de l’économie de guerre. La guerre en Ukraine a posé la question de l’approvisionnement en munitions des troupes engagées dans un conflit de haute intensité. Ce sujet soulève l’intérêt de certains médias qui découvrent les carences de la France et des autres États membres de l’Union européenne. À titre indicatif, pour fabriquer des obus, il est nécessaire d’utiliser de la nitrocellulose (1), dont la moitié de la production mondiale est fournie par la Chine. Or Pékin privilégie désormais la Russie, qui a doublé en un an les achats de ce produit à son allié chinois. À cause des conséquences de cette dépendance, des groupes comme l’allemand Rheinmetall, gros fabricants d’obus, ainsi que le suédois Saab, se disent très handicapés pour reconstituer les stocks épuisés par les livraisons à Kiev. Autrement dit, une partie de l’armement européen (notamment dans le domaine de l’artillerie) est à la merci des restrictions chinoises et du risque de tension accrue avec les États-Unis à propos de Taïwan.

Une telle défaillance illustre bien l’incohérence française et européenne entre une vision géostratégique lucide et les approches opportunistes conditionnées par les lois du marché, celle-ci ne datant pas d’aujourd’hui. Rappelons qu’en 1998, Lionel Jospin s’était attaqué au déficit chronique de certains industriels de l’armement. C’est son ministre de la Défense, Alain Richard, qui est alors chargé de rentabiliser les coûts en matière d’équipement militaire. Il s’ensuit une série de fermetures d’établissements dont on mesure aujourd’hui les lourdes conséquences. Ainsi est stoppée par exemple la fabrication de la munition destinée aux fusils d’assaut FAMAS qui équipaient les armées françaises. L’importation de cette munition par le biais de fournisseurs étrangers aboutit temporairement à un fiasco. Ces derniers n’ont pas su reproduire les caractéristiques spécifiques de la douille en...