No référendum, ou le peuple bâillonné
Cela fera bientôt 20 ans qu’il n’y a pas eu de référendum national en France. 20 ans, depuis le traumatisme élitaire du référendum de 2005 sur la Constitution européenne. En théorie, l’expression de la voix du peuple ne devrait-elle pas aller de soi en démocratie ? En théorie, oui.
Depuis le 29 mai 2005, le référendum est aux abonnés absents. Le « non » à la Constitution européenne a laissé une trace de feu dans les consciences. D’un côté, les Français gardent en mémoire le scandale du traité de Lisbonne, copier-coller du texte rejeté par près de 55 % des votants. Négocié par Nicolas Sarkozy en 2007, ratifié par le Parlement en 2008, « Lisbonne » est la traîtrise suprême, véritable crime de lèse-démocratie maquillé en sauvetage du projet européen. De l’autre, les politiques savent qu’un point de rupture a été franchi. En contournant la volonté jaillie des isoloirs, en verrouillant le fédéralisme clandestin de l’Union européenne, ils ont officialisé le divorce entre le peuple et ses élites. Qu’importe le « non » exprimé dans les urnes, le plan se poursuivra comme prévu. Jusqu’au bouquet final de la souveraineté européenne, appelée de ses vœux par Emmanuel Macron tous les quatre matins.
Le temps des promesses
Pourtant, depuis ce printemps contre-démocratique, promesses et annonces se sont empilées. Le référendum demeure l’arme favorite des candidats en campagne, qu’ils rangent au fourreau une fois passée la ligne d’arrivée. En 2012, en course pour sa réélection, Nicolas Sarkozy affirme que « l’idée principale dans [son] projet, c’est de redonner la parole au peuple par le référendum ». Lui qui, sept ans plus tôt, s’opposait à une consultation des Français sur la Constitution européenne, change son fusil d’épaule et explore toutes les pistes : refonte du droit des étrangers, réforme de l’indemnisation chômage, instauration de la « règle d’or » pour contraindre les majorités futures à « tendre vers le déficit zéro ». Un engouement référendaire qu’il retrouvera quatre ans plus tard lors des primaires de la droite, lorsqu’il jure de consulter les citoyens sur le regroupement familial ou l’internement des fichés S les plus dangereux. Nicolas Sarkozy, l’artificier de Lisbonne reconverti en templier du référendum… En...