Nous nous vivions puissance, nous nous sommes réveillés nus... et barbares.
Avec la crise, nous sommes mis face à une réalité cruelle : il n’y a guère d’avenir pour ceux qui n’ont ni souveraineté, ni capacité de production, ni crédibilité dans la menace. Face à cette barbarie qui nous guette de toutes parts, il faudra, pour reconstruire, réinvestir les champs de la culture et de la représentation.
Le coronavirus n’est pas qu’une crise sanitaire, c’est une crise existentielle, un réveil brutal de l’humanité, le rappel que notre histoire n’est pas une marche tranquille vers le perfectionnement humain, mais une lutte en nous entre la bête et l’esprit, la barbarie et la civilisation. Le coronavirus nous ramène à cela, à la fragilité de nos institutions, que nous avons pourtant conçues pour pallier notre condition mortelle et apporter de la stabilité au-delà de la vulnérabilité humaine. Et voilà que partout, le vernis craque : la peur de la mort révèle une barbarie qui, pour nous sauter aux yeux maintenant, se voyait déjà à l’œuvre dans notre société. Nous nous vivions puissance, nous nous sommes réveillés nus, constatant sous nos yeux effarés que l’on pouvait décider, faute de ressources, de ne plus prendre en charge certains patients à partir d’un certain âge. Nous avons constaté que dans un pays développé, on pouvait envoyer les hommes faire la guerre sanitaire sans un minimum de protection, faute de matériel et faute d’avoir les moyens d’en fabriquer. Nous nous vantions d’avoir le meilleur système de santé du monde, maintenant nous comptons nos morts, pendant que les experts s’écharpent sur la possibilité d’un traitement. Nous prenions le monde pour un atelier où faire nos courses d’enfants gâtés au meilleur prix, fut-ce de l’exploitation et de la misère, face à la pénurie, nous constatons que nos vies ne comptent pas plus que celle des ouvrières du Rana Plaza. Face à la crise, nous découvrons une réalité cruelle : il n’y a guère d’avenir pour ceux qui n’ont ni souveraineté, ni capacité de production, ni crédibilité dans la menace.
CE QUI FAIT LA BARBARIE
Le ballet des détournements de matériel sur les tarmacs des aéroports, entre pays d’abord, entre régions à l’intérieur d’un même pays ensuite, raconte ce...