Ordre
Mai 68 a été l’occasion d’une querelle du maintien de l’ordre où les visions de de Gaulle et Pompidou se sont affrontées. Une querelle qui a influencé le cours de notre histoire nationale.
Paul Ricœur fut un témoin privilégié de mai 68. Dans La Critique et la Conviction (1995), il rend hommage aux forces de l’ordre : « Par ailleurs, ce qui n’a pas été compris sur le moment, c’est la modération de la police. On a dit qu’elle avait été violente, alors qu’en réalité elle a fait preuve d’un doigté extraordinaire ; personne n’a été tué, ce qui est stupéfiant, compte tenu du nombre de personnes présentes dans les manifestations et du nombre de manifestations. » Pourtant, cette gestion de l’ordre public divisa profondément ceux qui en avaient la charge : de Gaulle et Pompidou.
« Tirez dans les jambes ! »
Durant les premiers jours de mai, Pompidou étant parti en voyage diplomatique, c’est le général de Gaulle qui prend les choses en main. Le 3, la police a fait évacuer la Sorbonne à la demande du recteur Roche. Les cars évacuant les interpellés sont attaqués par des lycéens qui se joignent en masse au mouvement. C’est une première longue soirée de violence. La position du général est d’une très grande fermeté. Il est hors de question de rouvrir la Sorbonne et les quelques peines prononcées contre les émeutiers, que ses ministres sont fiers de lui annoncer, lui semblent légères.
Dans C’était de Gaulle (1994-2000), on perçoit l’intransigeance gaullienne : « Vous estimez que c’est trop, d’avoir condamné quelques garçons avec sursis, et quatre, dont seulement deux étudiants, à deux mois de prison ferme, pour une émeute qui a duré cinq heures (…) ? Alors qu’ils étaient des centaines à bombarder des policiers avec toutes sortes de projectiles ? Vous trouvez ça excessif ? L’histoire de France est pleine d’émeutes qui n’ont pris fin que quand quelques dizaines d’émeutiers sont restés sur le carreau. » Par la suite, ses recommandations étaient claires : « Et si les violences continuent, il faut cogner dur et ramasser quelques...