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Sous la statue, le volcan : pour un gaullisme intégral

On peut de nos jours sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : « De Gaulle, de Gaulle, de Gaulle ! » et dépoussiérer un peu la statue pour mieux la remiser, une fois les caméras éteintes, dans quelque alcôve. Pour Yannick Jaffré, il faut prendre le général à bras-le-corps ou se taire. Plaidoyer pour un gaullisme intégral donc, avec, en ligne de mire, une double exigence : la sauvegarde de l’identité et la puissance par la souveraineté.

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De quoi de Gaulle est-il aujourd'hui le nom ? Celui d'une occultation assourdissante. Plus on commémore le Grand Homme – invoqué comme un mort illustre, enfoui sous les trémolos – plus on cherche à étouffer, sans y parvenir, la clameur du politique. Nietzsche voyait dans l’« histoire monumentale » le résultat d'une double opération : signaler dans le passé des figures exemplaires ; édifier le peuple par l'exaltation de ce panthéon national. Mais dans un pays, le nôtre, qui pratique depuis quarante ans la repentance et l'autophobie, les monuments historiques subissent de méticuleuses démolitions contrôlées. Si de Gaulle est à peu près le seul à rester debout dans la période moderne, il ne faut pas s'y tromper : on ne l'épargne jamais que pour l'embaumer. La grande ombre historique, trop proche, est aussi trop dangereuse pour l'ordre établi dès qu'on retourne le regard vers qui la projette. On éloigne donc le général dans le passé en le plaçant aux côtés de Jeanne d'Arc, Louis XIV et Napoléon. Alors qu'il exprime plus violemment qu'eux les origines, réalités et horizons de la France contemporaine, on fait au mieux de lui une statue du Commandeur, au pire, et le plus souvent, une inoffensive autorité morale.

Quelques exemples. Prononcée en 1958 pour remettre à leur place les Anglo-Saxons reprochant à la France sa guerre d'Algérie, la phrase de de Gaulle : « La grande querelle sur terre, c'est la querelle de l'homme », deviendrait aujourd'hui le titre possible d'un débat « humaniste » entre démocrates-chrétiens et francs-maçons. De même, la réconciliation franco-allemande symbolisée par de Gaulle et Adenauer est-elle convoquée à l'envi par les européistes, à telle enseigne que le chef des Français libres finirait presque par apparaître, comble de l'énormité, comme un émule de Robert Schuman. Et même quand on honore l'homme du 18 Juin, c'est pour réduire son combat contre l'occupant à l'antifascisme...