Un paysan contre le monde moderne : rencontre avec l’éleveur Christian Roux
Christian, éleveur jurassien de soixante-deux ans, se bat pour sa ferme. Face à lui, bureaucrates, créanciers, convoiteurs et tout un système agroindustriel prédateur. Portrait d’un réfractaire au changement qui survit obstinément dans un monde où les gros dévorent les petits.
Blye. Comme aux alentours, il faut tordre le cou pour parvenir à lire le nom de la commune sur le panneau toujours sens dessus dessous. Christian est l’une des 170 âmes de ce village jurassien situé sur le premier plateau du massif. Né à une vingtaine de kilomètres, à Lons-le-Saunier, il n’a jamais quitté le village ni l’exploitation de ses parents dans laquelle il travaille depuis ses seize ans. La seule fois où Christian a vu Paris, c’était à l’occasion de l’édition du salon de l’Agriculture de 1978, se remémore-t-il sans nostalgie particulière. Les « gens de la ville » lui inspirent bien davantage de pitié que de mépris. Pour rien au monde, Christian n’aurait quitté sa campagne. Alors que son petit frère partait faire une carrière de technicien dans le nucléaire, Christian a choisi de rester. « Ça ne me disait rien d'être enfermé pendant des heures à un bureau. Moi, ce que je voulais, c'était avoir de la liberté, être dans la nature, au contact des animaux ». Marcher dans les pas de son père et de son grand-père, tous deux éleveurs de vaches laitières pour le comté, allait de soi. Christian était né pour ça. Aujourd’hui, Christian a soixante-deux ans. Il ne pense pas à la retraite. Il vit avec sa maman Colette, quatre-vingt-cinq ans, ses neuf chats, ses poules, son cheptel d’une soixantaine de montbéliardes et sa chienne, Coquine. Son père, Georges, a eu un accident durant l’été 2020. Christine, une amie qui tient une maison d’hôtes dans le village, se souvient que le tracteur de l’octogénaire s’est retourné sur un chemin escarpé en allant abreuver le troupeau. « Et puis, il y a eu le Samu, l'hélicoptère… Le bazar est venu, l'a emmené à Besançon. Il a dû avoir des opérations le Jojo, je crois. Et puis, ils l'ont maintenu,...