[Jacques Sapir] Comment sortir de la guerre en Ukraine ? – Partie 4 :le contexte international
CONTRIBUTION / ANALYSE. Dans cette quatrième partie d'une analyse qui en comptera au total cinq, l'économiste Jacques Sapir, observateur attentif et rigoureux du monde russe, décrypte en détail l'état du contecte international, ainsi que son évolution du fait de la guerre russo-ukrainienne.
PARTIE 1 À LIRE ICI
PARTIE 2 À LIRE ICI
PARTIE 3 À LIRE ICI
PARTIE 5 À LIRE ICI
Il faut s’intéresser au contexte international du conflit et à son évolution.
Les transformations qui ont affecté les rapports de force géostratégiques, mais aussi les rapports de forces économiques et les règles et pratiques du commerce international qui se mettaient en place avant la guerre sont un élément important. Il atteste que le monde avait changé, ce dont les autorités russes étaient conscientes. Le succès du sommet des BRICS de l’été 2023 le confirme. L’ordre mondial issu de la fin de la Guerre Froide en 1991, et qui était marqué par une domination sans partage de l’hyper-puissance américaine (26), s’est progressivement fragmenté.
Il convient ici de rappeler que l’ordre mondial n’a jamais reflété seulement les différences de richesses entre les nations, mais aussi leur pouvoir géostratégique implicite ou explicite. Les États-Unis avaient donc émergé, au début des années 1990, du fait de la disparition de l’Union soviétique, comme la puissance hégémonique détenant une forme d’imperium mondial (27). Les États-Unis disposaient, en ce début de la dernière décennie du XXe siècle, d’une totale suprématie, tant militaire qu’économique, tant politique que culturelle. La puissance américaine était ce « pouvoir dominant », capable d’influencer l’ensemble des acteurs sans avoir à user directement de sa force après la démonstration qu’elle venait de fournir, et surtout d’établir son hégémonie sur l’espace politique international, en particulier en imposant ses représentations explicites et implicites ainsi que son discours (28). Pourtant, cette hégémonie, qui se traduit aussi par l’adoption généralisée de règles de libre-échange avec le passage du GATT à l’OMC en 1994 (29), s’est délitée progressivement devant des crises financières que les États-Unis ne sauront et ne pourront contrôler, des échecs militaires (en Irak et en Afghanistan), et l’émergence rapide de nouvelles puissances (Chine, Inde, Brésil mais aussi désormais Indonésie et Turquie) ou d’anciennes ayant su se réinventer (la Russie) (30)....