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Toufic Beainy : « Un PDG de multinationale et un chef mafieux ont la même mentalité »

ENTRETIEN. Dirigeants d’une société de consultants qui opère en Europe et au Moyen Orient,  Toufic Beainy et Nicolas Faure sont de fins connaisseurs des mécanismes des entreprises multinationales. Nous les avons interrogés sur leur ouvrage commun, Multinationales ou mafia, vers une planète bananière, paru récemment aux éditions Perspectives Libres.

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Front populaire : Votre livre semble être le fruit de votre pratique de terrain. Parlez-nous de votre expérience auprès des multinationales. Comment en êtes-vous venu à faire ce parallèle avec la mafia ?

Toufic Beainy : C’est la jonction entre notre expérience professionnelle avec de grands acteurs du marché mondial, de nombreuses lectures, notre parcours académique et une passion pour un film de gangsters (Le Parrain (1972) réalisé par Francis Ford Coppola, qui nous a permis d’établir le parallèle entre ces deux types d’organisations. Nous avons voulu analyser ces deux catégories de structures en nous basant sur la théorie du « désir mimétique » formulée par René Girard[1]qui a constitué le fil directeur de notre réflexion. C’est la question de la perméabilité de la frontière entre ces deux mondes que nous avons examinée sous toutes les coutures en ayant recours aux grands auteurs des sciences sociales qu’ils soient historiens de la Mafia comme Salvatore Luppo ou criminologue comme Edwin Sutherland qui a théorisé la criminalité en col blanc aux États-Unis au début des années 20.

FP : Pouvez-vous nous définir précisément en quoi consiste l’organisation de la mafia et en quoi les multinationales utilisent ces pratiques d’organisation ? Quelles sont les similitudes entre les deux formes d’organisation ?

Nicolas Faure : Les similitudes sont nombreuses et frappantes. Elles touchent la culture d’entreprise, le leadership, le droit et la politique, ainsi que le marketing et le management. Ces catégories issues des sciences de gestion et des sciences politiques sont identifiées simultanément dans ces deux univers. Plus concrètement, l’omerta trouvera son pendant dans le secret des affaires, la violence physique deviendra morale dans l’entreprise, la corruption s’appellera pudiquement « lobbying » dans le milieu des affaires, et la « restructuration » s’appellera vendetta dans le milieu du crime. In fine, c’est la même mentalité et le même état d’esprit...

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