Ces chères élites qui entretiennent les maux français
OPINION. Si le sentiment est légitime, l’anti-élitisme se heurte à une implacable réalité : les supposées élites n’en sont justement plus.
Lorsque la statue de la Liberté fut construite à New York, vers 1886, un des entrepreneurs français chargés de sa construction, Émile Gaget, copropriétaire de la fonderie Gaget et Gauthier, eut l’idée de diffuser des modèles réduits un peu inutiles, mais qu’on aimait bien garder sur son bureau. Ainsi son nom fut à l’origine de ce style d’objet désormais appelé « gadget ».
Lorsqu’un fabricant de boissons voulut lancer un nouveau concept, il inventa le « Canada Dry », un nom d’alcool, une allure d’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool. Dans le domaine du substitut, de la pâle copie, du succédané, remplacement de deuxième catégorie, les Allemands ont un mot magique « Ersatz », sous-produit de remplacement au pied levé, de moindre qualité, copie laborieuse, peu efficace ou encore nouveauté trafiquée peu convaincante.
Tout aujourd’hui appelle à qualifier nos « élites » d’ersatz d’élites. On n’est pas élite parce qu’on le revendique, mais parce qu’on est reconnu comme tel. Hannah Arendt a détaillé le concept d’autorité. Il faut bien reconnaître que nos élites ont perdu toute autorité. Égarées dans un référentiel obsolète, les élites sont entrées dans un comportement punitif et répressif vis-à-vis des masses pour défendre leur position devenue illégitime et leurs intérêts partisans. Ce comportement est toujours le signe d’une profonde décadence et d’une fin proche, dans l’histoire des pays, des peuples, des civilisations.
Depuis 1945, la voie des Grandes Écoles traçait des parcours royaux pour les meilleurs éléments. À force de mélanger enseignement et codes sociaux, ces établissements sont devenus, pour la plupart, des usines sophistes. On y apprend les codes du pouvoir, les comportements du pouvoir, mais la compétence en est désormais absente. La chute est telle que les candidats étrangers caracolent en tête des concours grâce à des compétences non encombrées par ces fameux codes de l’ambition. On ne compte plus les...