Conflit israélo-palestinien, ou le triomphe de la mauvaise foi
CONTRIBUTION / OPINION. Indignations sélectives, biais cognitifs, accusations fallacieuses… Dans l’arène politique comme sur les réseaux sociaux, notre lecteur déplore le fait que la mauvaise foi ajoute du mal au tragique.
Drôle d’époque, oui, vraiment : sordide, voire obscène. À vrai dire, il n’y a pas de mots assez forts et assez précis pour désigner les innombrables processus de mauvaise foi qui caractérisent tout ce qui s’y passe. Au point que l’on se prend à perdre toute envie de s’y engager, de se battre : on a l’impression d’y perdre un peu de sa dignité tandis qu’on y perd complètement son temps.
Prenez l’affaire israélo-palestinienne. Imaginez que vous ayez le malheur de vouloir faire comprendre, preuves en main, que les horreurs perpétrées par les miliciens du Hamas le 7 octobre ne sortent pas du néant ; qu’une telle sauvagerie, qu’un tel degré d’immoralité dans la violence ne naît pas de cerveaux spontanément psychopathiques, mais d’une situation insoutenable de désespoir, de misère, d’humiliation, de destruction, de bombardements, d’assassinats, de tortures, d’enlèvements et de séquestrations, d’arbitraire total, étatique comme mafieux, vécue par une population emmurée dans une prison à ciel ouvert dans l’indifférence de tous, et même de leurs pairs, et vous voilà accusé de justifier, de légitimer les horreurs qui font l’objet de votre raisonnement, voire de n’être pas empathique avec les victimes, ou carrément de leur être intrinsèquement hostile : d’être antisémite.
Expliquer devient seulement porter un jugement ; analyser un fait devient nécessairement exposer une valeur : penser une chaîne de causalité devient automatiquement insulter ceux que l’on y considère comme victimes. Comble du comble : refuser la vulgate, ne pas s’arrêter à la larme à l’œil, mettre le doigt sur la complexité des faits pour comprendre comment une situation fonctionne, et donc comment on peut la changer ou résoudre les problèmes qu’elle pose, c’est faire preuve d’idéologie ! Hannah Arendt, Stanley Milgram, Gunther Anders et tant d’autres étaient-ils donc si indifférents au génocide des Juifs ou à la pulvérisation des populations de Hiroshima et Nagasaki...